Cinquante ans après, des scientifiques découvrent les causes de la formation d’un trou de la taille de la Suisse dans la glace de l’Antarctique
Chaque hiver austral, l’Antarctique subit un changement radical. La glace de mer l’entourant s’étend vers l’extérieur, doublant ainsi la taille du continent. Mais au cours des hivers 2016 et 2017, un trou inhabituel, appelé polynie, s’est ouvert au milieu de la glace de mer, un trou de la taille de la Suisse. Les scientifiques viennent de comprendre comment il s’est formé.
Ce trou a été baptisé polynie de Maud Rise en raison du mont sous-marin, ou montagne sous-marine, situé en dessous dans la mer de Weddell. Selon une nouvelle étude, il s’est formé sous l’effet conjugué du vent, des courants océaniques et de la géographie sous-marine, qui ont créé les conditions salines idéales pour faire fondre la glace de mer.
Image d’entête : la polynie de Maud Rise en septembre 2017. (NASA Earth Observatory)
La polynie de Maud Rise remonte à plus loin que 2016. Elle a été identifiée pour la première fois par les satellites de surveillance de la Terre dans les années 1970, notamment au cours des hivers 1974 et 1976. Les scientifiques pensaient que la polynie reviendrait chaque hiver, mais cela ne fut pas le cas, elle n’est réapparue que sporadiquement, et pour de brèves périodes.
Selon le responsable de l’étude, Aditya Narayanan, chercheur postdoctoral à l’université de Southampton, en Angleterre :
En 2017, c’était la première fois que nous avions une polynie aussi importante et durable dans la mer de Weddell depuis les années 1970.
En 2016 et 2017, le courant océanique circulaire dans la mer de Weddell était plus fort que d’habitude. Ainsi, la remontée d’eau autour de Maud Rise a rapproché l’eau plus chaude et plus salée de la surface.
Selon Fabien Roquet, membre de l’équipe d’étude et professeur d’océanographie physique à l’université de Göteborg, en Suède :
Cette remontée d’eau permet d’expliquer comment la glace de mer peut fondre. Mais la fonte de la glace de mer entraîne un rafraîchissement des eaux de surface, ce qui devrait à son tour mettre fin au mélange. Il faut donc qu’un autre processus se produise pour que la polynie persiste. Il doit y avoir un apport supplémentaire de sel provenant de quelque part.
À l’aide de données provenant de satellites, de flotteurs autonomes et de mammifères marins marqués, l’équipe a déterminé que les tourbillons turbulents autour de Maud Rise apportaient davantage de sel dans la zone, qui était ensuite transféré à la surface par le biais d’un processus appelé transport d’Ekman. Grâce au transport d’Ekman, l’eau se déplace à un angle de 90 ° par rapport au vent et influence les courants océaniques.
Selon Sarah Gille, professeur à l’université de Californie à San Diego et membre de l’équipe chargée de l’étude :
L’empreinte des polynies peut rester dans l’eau pendant plusieurs années après leur formation. Elles peuvent modifier la façon dont l’eau se déplace et dont les courants transportent la chaleur vers le continent. Les eaux denses qui se forment ici peuvent se répandre dans l’océan global.
L’étude publiée dans Science Advances : Ekman-driven salt transport as a key mechanism for open-ocean polynya formation at Maud Rise et présentée sur le site de l’Université de Southampton: Mystery behind huge opening in Antarctic sea ice solved.