Comment s’est formé et ce que deviendra le cœur visible de Pluton
Nous savions déjà ce qui constitue le cœur de Pluton, mis en évidence par le survol de la sonde New Horizons, en juillet 2015. Il comporte d’énormes glaciers principalement composés de glace d’azote. Mais le mystère demeurait quant à la provenance de cette dernière. Cette semaine, un nouveau document de recherche tente d’y apporter une réponse.
Une nouvelle modélisation suggère que le vaste glacier dans le cœur de Pluton, de 1000 kilomètres de large et de 4000 m de profondeur et officieusement appelé Spoutnik Planum, aurait pu se former en seulement 10 000 ans alors que de la glace d’azote, formée dans son atmosphère, a été séquestré dans le profond bassin.
Ce point de vue en haute résolution et aux couleurs améliorées de Pluton, obtenu par la sonde New Horizons en juillet 2015, montre le cœur de la planète naine et les étendues glacées d’un énorme glacier de glace d’azote couvrant le bassin du Sputnik Planum. (NASA / JHUAPL / SwRI)
Auparavant, les chercheurs suspectaient que la taille des glaciers, dans le cœur de Pluton, signifiait qu’il y avait un vaste réservoir de glace d’azote quelque part sous la surface de Pluton. Mais en simulant le climat et la topographie de la planète naine, Tanguy Bertrand et François Forget de l’université Paris-Sorbonne ont trouvé que la glace d’azote, ainsi que du monoxyde de carbone et du méthane, s’est naturellement accumulée dans les basses altitudes.
Les modèles informatiques, comme ceux utilisés par les climatologues pour recréer l’ancienne histoire du climat de la planète, ont tenté de suivre la façon dont l’atmosphère plutonienne a changé et s’est mélangée, mais ils étaient trop lents pour couvrir plusieurs saisons.
Alors Bertrand et Forget ont développé un nouveau modèle qui pouvait couvrir 50 000 ans afin de découvrir ce qui est arrivé à l’azote (et d’autres substances volatiles) sur la petite planète naine glacée.
Après avoir ajouté un bassin et quelques cratères à leur Pluton modélisée, ils ont pu découvrir que toute la glace d’azote a été piégée au centre du bassin, comme c’est le cas dans le vrai Sputnik Planum, après seulement 10 000 ans.
Comparaison de Pluton telle qu’observée par la sonde New Horizons par rapport au modèle développé par Tanguy Bertrand et François Forget (New Horizons/ NASA/ Tanguy Bertrand)
En effet, le fond du bassin a une pression de surface supérieure à ce qui l’entoure. Une pression de surface plus élevée signifie que l’azote est plus susceptible de se condenser et de geler. Ce « piège froid » définit le processus qui a permis l’accumulation de glace d’azote.
Ils notent que ce phénomène est également visible sur Mars, où du gel de dioxyde de carbone se forme préférentiellement à basse altitude, comme dans le bassin Hellas.
Carte d’élévation de la surface martienne avec le bassin Hellas Planitia en bas à gauche.
Les profondeurs du bassin Hellas sur Mars, photographiée par la sonde Mars Reconnaissance Orbiter, accumulent de la glace et du givre. (NASA / JPL-Caltech / université d’Arizona / International Research School of Planetary Sciences)
Leur modèle présentait également du monoxyde de carbone et du méthane dans la glace des glaciers. En effet, les données du programme New Horizons ont indiqué la présence de monoxyde de carbone dans le Sputnik Planum, tandis que le méthane a tendance à se répandre tout autour de la région équatoriale de Pluton.
(NASA/ New Horizons/ Tanguy Bertrand)
Enfin, le modèle a représenté les gelées saisonnières de méthane qui ont été vues sur le pôle nord de Pluton dans les années 1980, 1994 et 2002.
Ils prédisent que ces gelées devraient, pour la plupart, disparaitre dans la prochaine décennie. Cela ne veut pas dire que le cœur de Pluton est amené à disparaitre, c’est un glacier beaucoup trop massif pour être impacté par les changements de saison. Cependant, il se rétractera probablement de quelques centaines de kilomètres avec le temps, érodant et façonnant les montagnes qui l’entourent.
Leurs travaux sont publiés dans Nature : Observed glacier and volatile distribution on Pluto from atmosphere–topography processes.