Les canneberges ne soignent définitivement pas les infections urinaires
Parmi les études que le Guru n’a pu vous décrire la semaine dernière, suite à la coupure de son accès internet, il y a eu celle qui confirme, une fois pour toutes, que la canneberge ne peut guérir d’une infection des voies urinaires. En fait, votre serviteur ne comptait pas écrire dessus et finalement un professionnel de santé lui a évoqué le fait que bon nombre de femmes, car ce sont elles qui souffrent le plus de se douloureux désagrément, utilisaient les canneberges, capsules ou jus, et que cela devait fonctionner… Que nenni !!!
La dernière étude sur le sujet portait sur des capsules de canneberge et concernait la prévention et elle n’a pas empêché de relancer un débat centenaire quant à savoir si les produits à base de canneberge peuvent traiter les infections urinaires. La réponse est non, bien sûr, elles ne le peuvent pas, mais vous pouvez difficilement vous blâmer de croire à un conseil gynécologique transmis à travers des générations de femmes.
Donc, avant d’approfondir l’aspect scientifique du sujet, il faut préciser que la recherche est encore incertaine quant à savoir si les canneberges peuvent prévenir des infections urinaires. Mais il y a un sujet sur lequel elle n’est pas divisée : la canneberge n’est pas un traitement. Elle ne guérit pas les infections urinaires. Si vous en souffrez, vous avez besoin d’un médecin, pas du rayon jus bio de votre épicerie.
On pourrait penser que, à l’ère de l’Internet, ce mythe serait mort il y a déjà bien longtemps, mais il s’avère que la surabondance d’informations peut être tout aussi confuse. De plus, bon nombre d’études sont parrainées par des producteurs / transformateurs/ distributeurs de canneberges… Le Guru vous laisse imaginer les résultats. Sans compter d’autres études aux défauts d’expérimentations flagrants, mais que les grandes marques de distribution de ce produit se sont empressées de dressées comme étendard. Et il y a de quoi, c’est un très bon filon, comme les infections des voies urinaires sont incroyablement fréquentes. Plus de la moitié des femmes en bonne santé auront au moins une infection urinaire au cours de leur vie.
En 2009, l’Autorité européenne de sécurité des aliments a interdit à certaines entreprises de faire valoir que leurs produits à base de canneberge empêchaient les infections urinaires. En 2014, une décision semblable a été rendue pour une autre entreprise qui mettait en avant les vertus supposées de ce fruit.
Cependant, ces revendications ne sont pas entièrement infondées. Il y a deux théories concernant les hypothétiques bienfaits de la canneberge face aux infections urinaires. La première, datant de 1914, voudrait qu’elle rende votre urine plus acide et donc moins accueillante pour les bactéries. Récemment (2014), des chercheurs ont mis de côté la théorie de l’acidification et suspectaient plutôt qu’à haute concentration, les composées de la canneberge (en particulier les proanthocyanidines) fonctionnent en inhibant la capacité des bactéries à adhérer à votre uroépithélium… Bref, ils empêchent les bactéries de se fixer à vos voies urinaires. Il faut mentionner que la majeure partie de cette recherche est faite sur la bactérie Escherichia coli. Alors que l’E coli est responsable d’environ 75% des infections urinaires chez les adultes en bonne santé, elle est loin d’être la seule bactérie qui les provoque.
Depuis, il y eut au moins une douzaine d’études sur les canneberges et aucune d’entre elles ne s’est portée sur l’éventualité qu’elle soigne les infections urinaires, car, encore une fois, elle ne les soigne pas. La plus récente étude, publiée la semaine dernière, soutien que les canneberges ne viennent pas à bout des bactéries.
Dans cette étude de l’université de Yale, 185 femmes souffrant d’infections urinaires ont pris soit deux capsules orales de canneberge ou des placébos quotidiennement pendant un an. Tous les deux mois, un échantillon d’urine a été testé pour détecter la présence de bactéries (bactériuries) ou de globules blancs (pyurie). Les chercheurs ont constaté qu’il n’y avait pas de différence dans les taux de bactériurie ou de pyurie entre les femmes ayant pris des canneberges et celles ayant reçu des placébos.
Contrairement aux limitations, l’étude a constaté que les capsules de canneberge avec une forte teneur en proanthocyanidines n’empêchaient pas les infections urinaires dans la population étudiée. Et, bien que cette étude ait porté sur une population très spécifique, elle est appuyée par de précédentes recherches. En 2011, une étude portant sur des femmes saines de 20-40 ans a constaté que la consommation de jus de canneberge ne réussissait pas à prévenir les infections récurrentes.
L’auteur de l’étude, la Dr Manisha Juthani-Mehta, professeure agrégée spécialisée dans les maladies infectieuses à l’École de médecine de l’université de Yale, explique:
À ce stade, la plupart des données suggèrent que les produits à base de canneberge, jus ou capsules ne fonctionnent pas. Il y a peu d’inconvénients pour le jus de canneberge et je crois que les médecins recommandent encore de proposer une intervention simple et relativement inoffensive aux patients qui cherchent une alternative. Le pilier de la prévention pour les infections urinaires doit être l’hydratation. Les femmes à risque d’infections urinaires récurrentes devraient essayer de boire plusieurs verres d’eau par jour. Pour de nombreuses femmes, cette intervention seule empêche les épisodes récurrents.
Avant cette étude, il y en a quand même eu une, en 2012, qui a examiné 24 précédentes études évaluant l’efficacité des produits à base de canneberge dans la prévention des infections urinaires. Ils ont conclu que, sur la base de toutes les preuves disponibles, le jus de canneberge ne prévient pas des infections urinaires chez les femmes en souffrant de manières récurrentes.
L’étude, du Dr Manisha Juthani-Mehta de l’Université de Yale publiée dans The Jama Network : Effect of Cranberry Capsules on Bacteriuria Plus Pyuria Among Older Women in Nursing HomesA Randomized Clinical Trial.