Le Soleil a probablement perdu son “double maléfique” il y a des milliards d’années
Les étoiles du même type que notre soleil apparaissent souvent par deux (étoile binaire) ou trois (étoile multiple) et tant les astronomes que les astrophysiciens se demandent depuis longtemps pourquoi. Est-ce que ces paires et ces trios sont nés comme des étoiles multiples en orbite autour du même point, ou se rencontrent-elles lorsque la gravité d’une étoile en capte une autre ?
Une nouvelle analyse de l’université d’Harvard et de Berkeley suggère que, en fait, presque toutes les étoiles sont probablement nées avec une “jumelle”, y compris notre propre soleil. Les résultats de cette étude sont basés sur l’observation de très jeunes étoiles dans un grand nuage moléculaire dans la constellation de Persée.
Voici Barnard 68, un sombre nuage moléculaire rempli de gaz et de poussière qui bloque la lumière des étoiles qui se forment à l’intérieur ainsi que celle des étoiles et des galaxies situées derrière elle. Cette “pouponnière stellaire” et d’autres, comme le nuage moléculaire de Persée, ne peuvent être sondées que par des ondes radio. (FORS Team/ VLT Antu/ ESO)
Les étoiles naissent dans des nuages en forme d’œufs appelés “noyaux denses” (dense cores). Ces poussiéreux nuages de gaz bloquent la lumière des étoiles à l’intérieur et derrière elles. Mais heureusement pour nous, les ondes radio peuvent y pénétrer. Le radiotélescope Very Large Array a récemment utilisé des ondes radio pour cartographier toutes les jeunes étoiles dans la pouponnière de Persée et les chercheurs ont utilisé ces données pour comprendre les relations entre les étoiles d’âges différents.
Ils ont constaté que les étoiles binaires séparées par des distances de 500 UA ou plus (soit 500 fois la distance entre la Terre et le soleil) étaient extrêmement jeunes, de moins de 500 000 ans. Dans ces systèmes, les paires d’étoiles ont tendance à être alignées avec l’axe long du nuage en forme d’œuf.
Image radio d’un système à 3 étoiles se formant dans un disque de poussière dans le nuage moléculaire de Persée, obtenue par l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA) au Chili. (Bill Saxton/ ALMA/ ESO /NAOJ /NRAO/ AUI / NSF)
Les étoiles légèrement plus âgées, entre 500 000 et un million d’années, avaient tendance à être plus proches, séparées par une distance d’environ 200 UA et elles ne présentaient aucun alignement particulier avec le nuage.
Les auteurs de l’étude ont présenté une variété de modèles mathématiques pour expliquer la distribution des étoiles et ils ont conclu que la seule façon pour que tout cela ait du sens est que les étoiles avec des masses similaires au Soleil (masse solaire) commencent en tant que jumelles éloignées. Les chercheurs estiment qu’au cours d’un million d’années, environ 60% des couples se séparent et les 40% restant se rapprochent les unes des autres.
Les résultats appuient des simulations informatiques qui avaient suggéré que les étoiles se forment par deux, ainsi que des observations que les plus jeunes sont plus susceptibles de former des paires binaires que les étoiles plus anciennes. Mais les auteurs précisent que les résultats doivent être vérifiés dans d’autres nuages formant des étoiles et que davantage de travaux seront nécessaires pour comprendre la physique de ce phénomène.
Si les résultats peuvent être répliqués, ils fourniront de nouvelles preuves que le soleil s’est formé avec une jumelle (non identique) 17 fois plus éloignée que Neptune. Et elle aurait pu être une “jumelle maléfique”. D’après une vieille hypothèse, les scientifiques appellent cette jumelle “Némésis”, parce qu’ils soupçonnent qu’elle a amorcé l’astéroïde qui a tué les dinosaures dans l’orbite terrestre.
Selon le coauteur de l’étude, Steven Stahler de l’université Berkeley :
Nous disons, oui, il y avait probablement une Némésis, il y a longtemps.
…mais Némésis n’a jamais été trouvée.
Leurs résultats ne montrent pas qu’une étoile est à l’origine de l’extinction des dinosaures, mais il est possible (et même très plausible) qu’il y a des milliards d’années, les planètes de notre système orbitaient deux étoiles.
Représentation artistique de l’exoplanète Kepler-1647 b la plus grosse exoplanète en orbite autour de deux étoiles. (Lynette Cook)
On ne peut qu’imaginer les implications que cela pourrait avoir sur les débuts de l’histoire du système solaire et comment cela aurait pu affecter la formation planétaire. Mais ce sera, sans aucun doute, le sujet de futures études.
L’étude publiée dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society : Embedded Binaries and Their Dense Cores et présentée sur le site de l’université de Berckley : New evidence that all stars are born in pairs.