Sur Terre, certains animaux et certaines plantes comme des espèces de méduses, de tortues et d’arbres, semblent avoir une sorte d’immortalité biologique : ils échappent au processus “d’autodestruction” que nous traversons avec le temps. Une récente étude rajoute à cette liste le moche, mais célèbre et chanceux rat-taupe nu, qui est déjà immunisé contre la douleur, le cancer et qui peut survivre 18 minutes sans oxygène…

Les scientifiques de Calico*, une société de recherche sous l’égide de la société mère de Google, Alphabet, étudient plus de 3 000 rats-taupes nus depuis des années. Disposant de registres de naissance et de décès détaillés, ils ont créé un modèle de la probabilité qu’un individu meure à un moment donné au cours de sa vie. Les rats-taupes sont morts de temps en temps, mais les chercheurs n’ont pas trouvé de pic dans le risque de mortalité lorsque les rats ont vieilli. Le plus vieux rat-taupe, à la fin de la période d’étude, avait plus de 30 ans.

*Calico, fondée en 2013, décrit sa mission comme exploitant des «technologies avancées pour augmenter notre compréhension de la biologie qui contrôle la durée de vie.» C’est une société qui garde habituellement secrets ses projets de recherche en cours et prévus.

Pour la comparaison, on peut s’attendre à ce que des rongeurs de même taille, en captivité, vivent environ 6 ans ou plus, un âge que les plus anciens rats-taupes surpassent aujourd’hui de 5 fois. Qui plus est, un rongeur typique de 6 ans présenterait des signes de vieillissement et il aurait perdu la capacité à se reproduire. Pendant ce temps, les plus vieilles femelles rats-taupes de Calico sont encore parfaitement capables de donner naissance puisqu’elles n’ont pas subi de ménopause.

(Bob Owen)

Selon l’auteur de l’étude, Rochelle Buffenstein :

C’est le premier mammifère chez lequel il y a un manque de mortalité intrinsèque avec l’âge.

Les scientifiques ont déjà détaillé cette impressionnante longévité avec des rats-taupes auparavant, mais c’est la première étude à s’appuyer sur un si large échantillon.

Les rats-taupes nus vivent sous terre dans de grands terriers, au sein d’une colonie pouvant contenir des centaines d’animaux, avec 1 à 3 femelles et quelques mâles sélectionnés responsables de la reproduction. Pour Buffenstein, ce qui rend les rats-taupes encore plus étranges, c’est que les femelles responsables de la reproduction semblent réellement moins susceptibles de mourir que celles qui ne se reproduisent pas. Cela ferait d’eux une exception à la théorie du soma jetable du vieillissement, qui théorise que les organismes n’ont qu’une quantité limitée d’énergie à dépenser pour des processus biologiques importants comme la reproduction.

Au cours de la période de 30 ans étudiée, seulement 400 rats-taupes environ sont morts de causes naturelles et selon Buffenstein  :

Nous voyons des animaux mourir avec des signes de maladie parodontale, de maladie rénale ou de fonte musculaire, mais cela peut survenir à tout âge.

Ils semblent également très rarement développer d’autres maladies liées à l’âge, comme le cancer. Et leur comportement reste largement le même en vieillissant.

Tout cela suggère à Buffenstein et à son équipe que les rats-taupes nus pourraient théoriquement vivre tant qu’ils ont la chance d’éviter les maladies et les blessures. Ils admettent également qu’il pourrait y avoir une limite supérieure où l’âge commence à être important pour les rats-taupes, mais si elle existe, elle n’a pas encore été déterminée.

Le plus vieux rat-taupe de Calico est un reproducteur mâle de 35 ans et les scientifiques  prévoient de garder un œil sur lui et ses vieux congénères autant qu’ils leur est humainement possible. Ils, et d’autres scientifiques, réalisent également des recherches pour essayer de comprendre comment précisément le rat-taupe obtient sa longévité et si cela pouvait s’appliquer aux humains.

L’étude publiée dans eLife : Naked mole-rat mortality rates defy Gompertzian laws by not increasing with age.