L’empreinte carbone de l’industrie du tabac correspond à celle de certains pays
Les prix des cigarettes ont grimpé en flèche dans les pays développés, afin de refléter leur coût sur les systèmes de santé nationaux et de dissuader financièrement les fumeurs… de fumer. Mais bien que certains consommateurs puissent s’y opposer, le prix d’un paquet de cigarettes est apparemment encore trop bon marché compte tenu de ses coûts environnementaux. Selon une nouvelle étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’industrie du tabac émet autant d’émissions de carbone que certains pays et cause des dommages considérables aux écosystèmes.
Bien que le pourcentage de fumeurs ait diminué dans de nombreuses régions du monde, en raison de l’augmentation massive de la population, il y a maintenant plus de fumeurs que jamais auparavant, en chiffres absolus. Au total, 933 millions de personnes ont fumé chaque jour en 2015, dont 80% d’hommes.
Pour répondre à cette demande, 6 mille milliards de cigarettes sont fabriquées chaque année, c’est beaucoup de tabac. Selon l’OMS, environ 5% de la déforestation dans certaines parties de l’Asie et de l’Afrique est réalisée pour faire place aux plantations de tabac. D’après l’étude, environ 50 000 km2 de terres sont occupés par des plantations de tabac, qui utilisent plus de 22 milliards de tonnes d’eau. Selon la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, cela rend la production de cigarettes plus coûteuse, sur le plan environnemental, que celle de produits essentiels tels que les aliments.
Une personne qui fume un paquet par jour pendant 50 ans est responsable de la perte d’1,4 million de litres d’eau.
Cette industrie exploite ainsi le fait que de nombreux pays en développement et à faible revenu soient moins réglementés, ce qui lui permet de transférer le fardeau environnemental et social à l’étranger tout en récoltant des profits dans son pays d’origine. Si vous fumez des cigarettes achetées dans un pays riche, comme la France ou les États-Unis, vous fumez probablement au détriment de la santé et des ressources naturelles des autres pays. Près de 90 % du tabac cultivé dans le monde provient de pays en développement.
Selon le rapport, les fabricants de tabac minimisent considérablement leurs émissions de carbone, qui sont nettement inférieures à ce qui ressort des données des scientifiques qui travaillent à l’étude de l’OMS.
Les chercheurs ont découvert que le tabac est responsable de l’émission de 84 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, contribuant à environ 0,2% du total mondial. Bien que cela ne semble peut-être pas beaucoup, c’est autant que le Pérou ou Israël.
La culture de 32,4 Mt de tabac vert utilisée pour la production de 6,48 Mt de tabac sec dans les 6 mille milliards de cigarettes fabriquées dans le monde en 2014 a contribué pour près de 84 Mt d’équivalent CO2 aux émissions du changement climatique. (Environmental Science & Technology)
Le rapport compare l’impact du tabac à celui d’autres cultures qui nécessitent généralement moins de matières premières. Au Zimbabwe, par exemple, un hectare de terre pourrait produire 19 fois plus de pommes de terre que les 1 – 1,2 tonne de tabac actuellement cultivée.
Le tabac nuit également à l’environnement en appauvrissant le sol de ses nutriments et en l’aspergeant de pesticides. Sur le plan social, la production de tabac est également associée au travail des enfants et à d’autres problèmes de droits humains. De plus, la pollution des mégots de cigarettes, dont les deux tiers sont rejetés de façon irresponsable, représente la plus grande source de pollution des océans, dépassant celle des pailles en plastique.
Malgré tous les efforts de l’industrie du tabac pour contrer ce fait, il ne fait aucun doute aujourd’hui que la cigarette est extrêmement nocive pour notre santé. Avec l’alcool, les produits du tabac représentent la plus grande menace pour la santé humaine, plus que les drogues illicites. Peu de gens, cependant, sont conscients des coûts environnementaux cachés des cigarettes et de l’industrie qui sous-tendent leur production.
L’OMS exhorte les gouvernements à réagir en augmentant les taxes sur les cigarettes et autres produits du tabac. Ces taxes devraient tenir compte des dommages causés aux écosystèmes locaux et au climat. Le rapport recommande également d’interdire les filtres à usage unique utilisés pour le tabac à rouler ou l’utilisation d’emballages inutiles.
L’étude publiée dans Environmental Science & Technology : Cigarette Smoking: An Assessment of Tobacco’s Global Environmental Footprint Across Its Entire Supply Chain et l’annonce sur le site de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac : La COP8 de la Convention-cadre de l’OMS se conclut par l’adoption d’une nouvelle stratégie destinée à accélérer les efforts de lutte antitabac et le renforcement des mesures de transparence afin de contrer l’ingérence de l’industrie du tabac.