Des rochers sautillants pourraient enfin expliquer comment la lune de Mars, Phobos, a obtenu ses rayures
Les scientifiques ont longtemps débattu de la cause des sillons distinctifs visibles à la surface de la lune martienne Phobos. Selon une théorie avancée, ces lignes sont des signes de défaillance structurale, lorsque le minuscule corps est écartelé par les forces de gravité qui agissent contre elle et sa planète (Mars). Mais une idée concurrente suggère que les marques pourraient être superficielles, causées simplement par des roches roulant à la surface de Phobos. De nouvelles recherches publiées cette semaine (lien plus bas) portent sur les vieux arguments qui s’opposent à cette théorie.
Proposée pour la première fois dans les années 1970, cette théorie s’articule autour du cratère Stickney de Phobos, qui est, relativement parlant, énorme avec ses 9 km de diamètre (sur le flanc droit dans l’image d’entête). Phobos n’est que 3 fois plus large. Inévitablement, l’impact qui a engendré le cratère Stickney aurait projeté de grandes quantités de roches qui auraient été dispersées à la surface de Phobos. Jusqu’à présent, c’est plausible, mais au deuxième coup d’œil, il y a apparemment des problèmes avec l’idée que cela aurait pu causer les griffures de Phobos.
Tout d’abord, les rainures ne s’alignent pas toutes radialement à partir du cratère de Stickney. Comment est-ce possible si les roches à l’origine des rainures ont été éjectées de ce cratère ? Deuxièmement : certaines des rainures traversent en fait le cratère, ce qui semble indiquer que les rainures sont apparues en premier. Un autre problème, selon les chercheurs, est que certaines des rainures se chevauchent. Bien qu’il puisse sembler plausible qu’une roche puisse chevaucher les traces d’une autre, les chercheurs pensent que c’est un problème. Enfin, il y a une zone de Phobos qui n’a pas de lignes du tout, c’est ce qu’on appelle la zone morte. Si le problème est causé par des roches qui roulent, pourquoi les lignes s’arrêteraient-elles sans raison apparente ?
Phobos et ses griffures (NASA/JPL-Caltech/université d’Arizona)
Pour déterminer si ces anomalies apparentes mettaient réellement en cause la théorie des pierres roulantes, les chercheurs ont construit un modèle informatique pour simuler l’impact du cratère. Le modèle recrée l’éjection de la roche du site de l’impact, tout en tenant compte de la topographie, du champ gravitationnel, de la rotation et de l’orbite de Phobos autour de la planète rouge.
Selon Ken Ramsley, chercheur principal qui a alimenté la simulation :
Le modèle n’est en fait qu’une expérience que nous faisons sur un ordinateur portable. On met tous les ingrédients de base, puis on appuie sur le bouton et on voit ce qui se passe.
La simulation fait apparaître une explication à la plupart des phénomènes problématiques. Il s’avère que Phobos est si petite et à la si faible gravité que les roches éjectées continuent de rouler beaucoup plus loin qu’elle ne le ferait sur terre, tout autour de Phobos et au-delà. Cela pourrait-il expliquer pourquoi toutes les rainures ne semblent pas provenir du cratère Stickney, et que certaines pourraient se chevaucher et que certaines passent à travers le cratère .
Mais qu’en est-il de la zone morte où les lignes ne sont pas évidentes ? Il s’avère que cette zone morte est une zone de faible élévation, entourée d’un rebord.
Toujours selon Ramsley :
C’est comme un saut à ski. Les rochers continuent d’avancer, mais soudain, il n’y a plus de terrain sous eux. Ils finissent par faire ce vol suborbital au-dessus de cette zone.
Il semblerait que les chercheurs aient ajouté la crédibilité nécessaire à la théorie des roches roulantes des sillons de Phobos. Mais bien que cela puisse remettre en question l’idée que ces caractéristiques sont causées par un stress gravitationnel, cela ne veut pas dire que Phobos n’est pas condamné. Alors qu’elle se rapproche de plus en plus de Mars, la faible composition structurelle de Phobos signifie que, bien qu’elle puisse encore graviter autour de Mars, elle le fera sous la forme d’un anneau de roches plutôt que comme une petite lune (bien qu’elle pourrait de nouveau, dans un lointain futur, se reformer en une petite lune).
L’étude publiée dans Planetary and Space Science : Origin of Phobos grooves: Testing the Stickney Crater ejecta model et présentée sur le site de l’université Brown : Mars moon got its grooves from rolling stones, study suggests.