Un beau, mais déconcertant ancêtre des crabes
Selon une nouvelle étude, un nouveau fossile que les scientifiques ont qualifié de déconcertant, beau et comme étant l’ornithorynque de la famille du crabe nous renseigne maintenant sur la façon dont ses parents crustacés ont évolué.
Image d’entête : reconstitution de l’ancien crabe Calichimaera perplexa. (Oksana Vernygora/ Université d’Alberta)
Des paléontologues ont examiné plus de 70 spécimens exceptionnellement bien conservés de la toute nouvelle branche de l’arbre de l’évolution du crabe, ainsi que des centaines de fossiles de crevettes et d’autres types de crustacés, provenant de dépôts en Colombie et aux États-Unis qui datent de 90 à 95 millions d’années de la période du Crétacé. Ils ont nommé la nouvelle espèce Callichimaera perplexa, qui se traduit par « belle et déconcertante chimère ».
Reconstruction artistique du Callichimaera perplexa. (Elissa Martin/ Yale Peabody Museum of Natural History)
Comme la mythique chimère, qui combine les caractéristiques d’un lion, d’une chèvre et d’un serpent en un seul corps, le C. perplexa combine les traits de plusieurs crabes éteints et vivants, et de différents stades de leur vie. Par exemple, son corps long, sa queue exposée, ses pièces buccales en forme de pattes, ses griffes pliées et ses yeux composés non protégés par des orbites sont typiques du stade larvaire, mais semblent avoir été retenus à l’âge adulte. En même temps, le sternum large et les pattes avant en forme de pagaie de l’animal sont les types d’adaptations que les crabes précoces utilisent pour nager.
A partir de l’étude, reconstruction numérique du Callichimaera perplexa. (C) Vue dorsale. (D) Vue ventrale. (J. Luque/ Science Advances)
La mosaïque de caractéristiques « uniques et étranges » du C. perplexa « en fait un analogue des ornithorynques », explique Javier Luque, auteur principal de l’étude à l’université de l’Alberta au Canada et à l’université Yale dans le Connecticut, aux États-Unis. En termes de mode de vie, ce crabe mesurait tout au plus 1,6 centimètre de long, mais ses grands yeux et ses pattes puissantes en forme de rame suggèrent qu’il était potentiellement un prédateur nocturne.
Spécimen fossilisé de la « belle chimère », Callichimaera perplexa, le plus ancien crabe nageur connu, qui vécu il y a 90 à 95 millions d’années et représente une nouvelle branche évolutive des crustacés. (Daniel Ocampo R./ Vencejo Films)
Un certain nombre de caractères larvaires observés chez ce crabe semblent conservés et amplifiés chez les adultes par des changements dans le moment et le rythme de son développement.
Ces résultats mettent en lumière l’évolution mystérieuse du schéma corporel du crabe, avec sa large carapace et sa petite queue cachée sous le corps de l’animal. Le schéma apparaît et disparaît plusieurs fois chez les “vrais crabes” et les « faux crabes » comme les bernard-l’ermite et les crabes royaux, et on pense qu’il les aide à se déplacer rapidement et à se cacher dans les crevasses et sous les rochers pour éviter les prédateurs. En revanche, le C. perplexa révèle que les premiers crabes ont peut-être adopté diverses formes au Crétacé, peut-être parce que d’autres groupes de crustacés ont disparu à l’époque, ouvrant la voie à de nouveaux modes de vie pour les crabes.
La diversité des formes corporelles des crabes, dont l’énigmatique Callichimaera perplexa (au centre). (Arthur Anker/ Javier Luque/ Université Yale)
Étant donné que les tropiques sont aujourd’hui des berceaux de biodiversité, il est logique que les anciens tropiques où vivait le C. perplexa aient aussi pu abriter des variations évolutives inhabituelles du schéma corporel du crabe. Pour les chercheurs :
En paléontologie, le plus souvent, la réalité surpasse la fiction !
L’étude publiée dans Science Advances : Exceptional preservation of mid-Cretaceous marine arthropods and the evolution of novel forms via heterochrony et présentée sur le site de l’université Yale : Meet Callichimaera perplexa, the platypus of crabs.