Un surprenant “corridor de glace” de 6000 km de long découvert sur la lune de Saturne, Titan
Un épais brouillard d’azote atmosphérique dissimule la surface de la plus grande lune de Saturne, Titan, cachant une particularité géologique géante et ancienne que les scientifiques viennent tout juste de découvrir.
Image d’entête : au centre, Titan telle qu’elle apparait à la lumière visible, cachée par un voile opaque, et autour les images obtenues par le spectromètre infrarouge de la sonde spatiale Cassini. (NASA/ JPL-Caltech/ Université de Nantes/ Université d’Arizona)
Dans le cadre de nouvelles recherches, des scientifiques rapportent la découverte d’un » corridor » massif de substratums rocheux riche en glace qui s’étend sur près de la moitié de la circonférence du plus grand satellite de Saturne, sur une distance totale de 6 300 kilomètres, d’une longueur équivalente à 40 % du tour complet du Titan.
Selon Caitlin Griffith, spécialiste des planètes à l’université d’Arizona :
Ce corridor glacé est étonnant parce qu’il ne correspond à aucune caractéristique de surface ni à aucune mesure du sous-sol.
Griffith et son équipe ont examiné des milliers d’images spectrales obtenues par la sonde spatiale Cassini à l’aide d’un spectromètre infrarouge pour pénétrer aussi loin que possible dans le voile opaque de Titan.
À l’aide d’une technique appelée analyse en composantes principales (PCA), l’équipe a identifié cette immense particularité de glace chevauchant l’équateur de Titan afin de dégager et d’affiner les caractéristiques de surface masquées dans les données.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Notre étude PCA indique que la glace d’eau est inégalement, mais pas au hasard, exposée sur la surface tropicale de Titan.
La plus grande partie du matériel riche en glace exposée suit un long corridor presque linéaire qui s’étend sur 6 300 km environ (30° E, 15° N) à (110° W, 15° S).
Le corridor de glace, cartographié en bleu. (NASA/JPL-Caltech/ Institut des sciences spatiales)
Cette carte indique que le corridor glacé de Titan (couleur bleue) et les cratères représentent la plupart des surfaces riches en glace de Titan. Elle montre les champs de dunes sombres (par exemple, Fensal et Belet), les régions locales de Sotra (S), Hotei Regio (H), Tui Regio (T), et le site d’atterrissage Huygens (X), et trois grands cratères : Menrva (1), Sinlap (2) et Selk (3). (Griffith et col./ Nature Astronomy)
Ce qui est le plus inhabituel à propos de cette caractéristique, c’est qu’elle existe, car on pense que la surface de Titan est en grande partie recouverte de sédiments organiques qui s’écoulent de la décomposition des molécules de méthane dans l’atmosphère due à la lumière solaire.
Au milieu de cet environnement étrange, humide et gazeux, que Griffith qualifie de » version perturbée de la Terre « , on ne sait pas exactement comment la structure de glace exposée est apparue. L’équipe pense que ce pourrait être une relique d’une époque différente, figée dans le temps.
Selon Griffith :
Il est possible que nous voyions quelque chose qui est un vestige d’une époque où Titan était très différent.
Selon les chercheurs, la cause la plus probable pourrait être l’héritage d’un ancien cryovolcanisme : des » volcans de glace » qui produisent de l’eau, de l’ammoniac ou du méthane, au lieu du magma rocheux comme ce que nous connaissons sur Terre.
Mais comme on ne pensait pas que Titan avait actuellement des volcans de glace actifs, la raison pour laquelle ce gigantesque couloir de glace est toujours là reste un mystère, même si cet état de choses ne durera peut-être pas beaucoup plus longtemps, selon l’intensité avec laquelle la pluie de méthane de la lune continue à tomber.
Toujours selon M. Griffith :
Nous détectons cette caractéristique sur les pentes raides, mais pas sur toutes les pentes. Cela suggère que le couloir glacé est en train de s’éroder, dévoilant potentiellement la présence de glace et de strates organiques.
L’étude publiée dans Nature Astronomy : A corridor of exposed ice-rich bedrock across Titan’s tropical region et présentée sur le site de l’université d’Arizona : Researchers Find Ice Feature on Saturn’s Giant Moon.