Premier traitement humain au monde à base de virus génétiquement modifié pour venir à bout d’une infection résistante aux antibiotiques
Une nouvelle étude de cas, décrit la première utilisation au monde d’un virus génétiquement modifié pour traiter une infection bactérienne résistante aux antibiotiques (mortelle). Le succès du traitement ouvre la voie à des essais cliniques de plus grande envergure pour tenter d’établir dans quelle mesure ce processus expérimental pourrait être efficace dans des populations plus larges de patients.
Un bactériophage (représentation dans l’image d’entête), communément appelé phage, est un type de virus connu pour attaquer et tuer les bactéries. Depuis plus d’un siècle, les scientifiques étudient ces agents viraux pour leur activité antibactérienne, mais la recherche est au point mort depuis la découverte des antibiotiques. Plus récemment, alors que la menace des bactéries résistantes aux antibiotiques s’accroît, les scientifiques ont redécouvert le potentiel des phages.
Votre Guru vous a déjà décrit la procédure d’attaque employée par les bactériophages, comme ici par exemple, ou dans la vidéo ci-dessous :
Depuis plusieurs décennies, le généticien moléculaire Graham Hatfull, du Howard Hughes Medical Institute de l’université de Pittsburgh (États-Unis), accumule une collection de phages du monde entier. Le projet, appelé SEA-PHAGES, visait ostensiblement à construire une bibliothèque simple de données biologiques, mais tout cela a changé fin de 2017 après qu’Hatfull eut été contacté par un collègue à Londres.
Selon Hatfull :
J’avais le sentiment que cette collection était extrêmement puissante pour répondre à toutes sortes de questions en biologie. Mais on ne pensait pas qu’on arriverait un jour à utiliser ces phages à des fins thérapeutiques.
Deux jeunes patients atteints de fibrose kystique (mucoviscidose) souffraient d’infections bactériennes résistantes aux antibiotiques à la suite d’une transplantation pulmonaire. Les médecins ont contacté Hatfull dans l’espoir qu’il puisse retrouver un phage de sa grande collection ayant une préférence pour la souche bactérienne particulière qui cible les jeunes patients.
Plusieurs mois après avoir reçu des échantillons de la bactérie, l’équipe de Hatfull a trouvé un phage qui ciblait efficacement une des infections bactériennes des patients. Malheureusement, il était trop tard, le premier patient étant décédé quelques semaines plus tôt des suites de l’infection.
En se concentrant sur la souche bactérienne de l’autre patient, l’équipe s’est focalisée sur trois phages potentiels. Afin d’augmenter leur efficacité de destruction bactérienne, deux des phages ont été génétiquement modifiés, puis les trois virus ont été combinés en un cocktail contenant un milliard de particules de phages par dose.
Les 3 bactériophages, ou virus mangeurs de bactéries, administrés au jeune patient souffrant d’une infection grave résistante aux antibiotiques à la suite d’une transplantation pulmonaire. (R. M. Dedrick et coll./ Nature Communication)
Le traitement subséquent s’est avéré incroyablement efficace, quoique quelque peu onéreux. La patiente a passé les 6 mois suivants à recevoir des perfusions intraveineuses 2 fois par jour ainsi que des traitements topiques pour ses lésions cutanées. Six semaines après le début du traitement, une scintigraphie du foie du patient a montré que l’infection avait presque complètement disparu. Les infections superficielles sur l’ensemble du corps du patient ont répondu au traitement beaucoup plus lentement. Jusqu’à présent, toutes les infections cutanées du patient, sauf une, ont disparu.
Ces résultats incroyablement prometteurs laissent entrevoir un avenir prometteur pour les traitements par les phages. Toutefois, il y a d’importants défis à relever avant que des utilisations cliniques plus répandues puissent être déployées. Le plus grand obstacle est peut-être la nature personnalisée de la thérapie. Dans ce cas particulier, il a fallu plusieurs mois à une équipe de chercheurs pour mettre au point un traitement spécialement conçu pour un seul patient. Il est difficile de savoir à quel point il serait facile de mettre au point une sorte de cocktail de phages à large spectre qui pourrait cibler les infections bactériennes de façon plus générale.
Il est également important de noter qu’il s’agit d’une étude de cas isolée et non d’un essai clinique plus vaste. Il n’y a donc aucune certitude que le traitement par phage fut la cause directe du rétablissement du patient, ni que le traitement fonctionnera plus généralement pour d’autres patients. Du côté positif, les effets secondaires du traitement furent presque inexistants, et les chercheurs rapportent que la bactérie ne montre aucun signe de développement d’une résistance à l’attaque bactérienne.
L’étude publiée dans Nature Communications : Regeneration of severely damaged lungs using an interventional cross-circulation platform et présentée sur le site du Howard Hughes Medical Institute : Phage Therapy Treats Patient with Drug-Resistant Bacterial Infection.