Mode furtif coordonné : la stratégie des baleines à bec pour ne pas se faire repérer par les orques
Les baleines de Cuvier ou baleines à bec de Cuvier (bien qu’elles ne soient pas des baleines) sont une famille de cétacés qui ressemblent à de grands dauphins et ils sont connues pour battre des records de plongée, celle-ci pouvant atteindre les 3 kilomètres de profondeur et une durée de 2 heures et demie.
L’orque est le plus grand ennemi des baleines à bec et ils les chassent qu’à proximité de la surface, car ils ont besoin de respirer fréquemment pour cette traque énergique. Les orques repèrent l’écholocalisation que les baleines à bec émettent pour trouver leur proie. Les baleines à bec sont d’ailleurs connues pour leur vulnérabilité aux sonars militaires de détection des sous-marins, avec des morts en masse liées aux manœuvres navales dans plusieurs sites à travers le monde. C’est à l’origine pour cette raison qu’une équipe de chercheurs d’Espagne, des Pays-Bas, d’Écosse et du Danemark étudiaient ces cétacés.
Ils ont ainsi découvert comment cette peur des orques a conduit les baleines à bec près d’El Hiero dans les îles Canaries à adopter une stratégie efficace, mais coûteuse qui les rend essentiellement invisibles aux orques : des plongées de recherche de nourriture profonde très synchronisées et des remontées silencieuses et imprévisibles.
Les chercheurs nomment cela la « synchronisation extrême de plongée ». Malgré une chasse individuelle, les baleines à bec coordonnent soigneusement le moment où elles plongent et refont surface, ainsi que le moment et la durée de leur bruit d’écholocalisation.
Ce comportement n’a pas été observé chez les autres baleines plongeant en profondeur et il a probablement évolué, suggèrent les chercheurs, pour la raison spécifique de se protéger, des orques en particulier, car ils ont une excellente ouïe pour détecter les sons que les baleines à bec doivent émettre pour trouver de la nourriture.
La routine comprend une montée lente et un séjour prolongé dans les hauts-fonds, ce qui, selon des recherches antérieures, pourrait atténuer le mal de décompression ou éviter l’accumulation d’acide lactique lors de plongées pour la recherche de nourriture qui pourraient dépasser la limite de la plongée aérobie (sans oxygène).
Toutefois, « des mécanismes physiologiques satisfaisants pour étayer ces interprétations restent à trouver », écrivent les chercheurs dans leur étude.
Pour tester leur hypothèse, Natacha Aguilar de Soto de l’université de La Laguna, Tenerife, et ses collègues ont analysé les données de 12 baleines à bec de Cuvier (Ziphius cavirostris) et de 14 baleines à bec de Blainville (Mesoplodon densirostris) portant des capteurs qui ont suivi les profondeurs auxquelles elles ont nagé, la verticalité de leurs plongées et les sons qu’elles ont émis.
Ils ont découvert que les baleines effectuaient des plongées profondes en étroite coordination afin de s’alimenter par le biais de l’écholocation, mais qu’elles limitaient leurs vocalisations aux faibles profondeurs où elles étaient vulnérables aux attaques.
Elles ont commencé à émettre des vocalises à environ 450 mètres avant de chercher individuellement leur nourriture. Elles se sont ensuite réunies en groupe à une profondeur moyenne de 750 mètres et sont remontées en silence à la surface à un angle faible, couvrant une distance horizontale moyenne d’un kilomètre, émergeant de l’eau dans une zone bien éloignée de celle du départ.
C’est une stratégie efficace pour éviter d’être intercepté par des prédateurs, mais coûteuse à d’autres égards. Les longues remontées silencieuses de plus d’une heure réduisent le temps de recherche de nourriture d’environ 35% par rapport aux approches utilisées par d’autres baleines à bec.
Et il y a un autre inconvénient, selon les chercheurs :
Ces comportements de prévention des prédateurs ont probablement servi les baleines à bec pendant des millions d’années, mais ils peuvent devenir inadaptés en jouant un rôle dans les échouages massifs induits par les sons de sonar fabriqués par l’homme.
L’étude publiée dans Scientific Reports : Fear of Killer Whales Drives Extreme Synchrony in Deep Diving Beaked Whales et présentée sur le site de l’université de La Laguna : Un estudio que lidera la ULL concluye que el miedo a las orcas extrema la sincronización del buceo de los zifios.