“L’angoisse de séparation” chez les chiens n’en est pas vraiment une
Certains chiens ne supportent pas bien que leurs maîtres les laissent seuls à la maison. Il y en a qui sont si anxieux qu’ils finissent par aboyer toute la journée, tandis que d’autres détruisent la maison et les objets précieux. Cependant, le fait de ramener cette situation à une « angoisse de séparation » n’est pas particulièrement utile pour les propriétaires d’animaux.
De nouvelles recherches réalisées par des chercheurs de l’université de Lincoln (Angleterre) suggèrent plutôt que ce n’est qu’un symptôme d’autres frustrations sous-jacentes, comme le fait de vouloir s’éloigner de quelque chose dans la maison, de vouloir aller vers quelque chose à l’extérieur, de réagir à des bruits ou des événements extérieurs, ou même de s’ennuyer.
Ainsi, les auteurs de l’étude écrivent qu’il y a un danger qu’un syndrome tel que l’anxiété de séparation soit considéré comme un diagnostic, alors que la signification relative d’émotions telles que la peur, la frustration et la panique associées à la perte d’une figure d’attachement peut être fondamentalement importante à comprendre pour un traitement efficace.
Les problèmes liés à la séparation sont assez fréquents chez les chiens, entre un quart et la moitié de la population canine présentant ces signes. Ces cas sont relativement faciles à identifie au vu des dégats, mais ce qui est moins évident, c’est la façon dont nous devons définir l’anxiété de séparation, les troubles liés à celle-ci et les problèmes connexes.
Ce manque de cohérence terminologique et l’absence d’un test de diagnostic clair rendent l’étude de cette question incroyablement difficile, et les résultats obtenus jusqu’à présent sont confus, incohérents, voire contradictoires.
Les chercheurs soulignent, par exemple, que si certaines études indiquent que la stérilisation est responsable de ces problèmes, d’autres suggèrent que les chiens non castrés sont plus exposés à l’anxiété de séparation. Les résultats de ces nouvelles recherches suggèrent cependant que toutes ces solutions ne sont que des remèdes de fortune pour un syndrome qui est « défini de manière ambiguë et vague en raison d’un manque de bonnes données empiriques ».
Dans un questionnaire en ligne, les chercheurs ont recueilli des informations sur plus de 2 700 chiens, dont plus de 100 races au total.
L’enquête à grande échelle comprenait des questions censées mettre en lumière 55 indications cardinales des problèmes de séparation, notamment la « frustration de sortie », la « panique sociale », “l’élimination », la « frustration redirigée », la « frustration immédiate » et la « sensibilité au bruit ».
En classant ces chiens en groupes hiérarchiques solides en fonction de leur comportement, les chercheurs ont identifié quatre formes principales du problème, chacune ayant des causes psychologiques distinctes qui peuvent être testées et déduites.
Le groupe A est le plus petit, et il est caractérisé par des signes de frustration de sortie, de panique sociale et de frustration réorientée.
Selon les chercheurs :
Nous proposons que l’explication la plus parcimonieuse de ce profil est que ces chiens trouvent qu’être séparés les uns des autres est une aversion (signes de panique sociale) et qu’ils essaient de poursuivre le propriétaire (frustration de sortie), mais, parce qu’ils ne peuvent pas le faire à cause des barrières à l’intérieur du foyer, ils luttent pour trouver une autre façon de faire face (frustration redirigée).
Le groupe B, en revanche, se caractérise par une frustration redirigée, une panique sociale et, très rarement, une frustration envers le propriétaire, probablement parce que ces chiens sont très excités, veulent répondre à des stimuli externes et luttent pour trouver une autre façon de faire face.
Le groupe C est le groupe le plus important identifié, comprenant plus d’un tiers des chiens étudiés, et il est caractérisé par des aboiements et une panique sociale. Contrairement au groupe B, ces chiens sont excités par des stimuli externes, mais au lieu de vouloir s’y attaquer, ils sont plus généralement anxieux et fuyants.
Le groupe D est le dernier groupe et, par conséquent, c’est une sorte de panier fourre-tout pour les chiens qui ne correspondent pas vraiment aux autres groupes. En attendant d’en savoir plus, les auteurs suggèrent de le considérer comme le groupe de “l’ennui ». Car oui, même les chiens peuvent s’ennuyer.
Selon le vétérinaire Daniel Mills de l’université de Lincoln :
Il n’est pas très utile de qualifier d’anxiété de séparation le problème du chien qui est destructeur, qui urine ou défèque à l’intérieur ou qui vocalise lorsqu’il est laissé seul.
C’est le début du processus de diagnostic, pas la fin. Nos nouvelles recherches suggèrent que la frustration sous ses différentes formes est au cœur du problème et nous devons comprendre cette variété si nous espérons proposer de meilleurs traitements pour les chiens.
Bien que l’étude n’ait pas examiné l’efficacité d’une solution spécifique, les auteurs espèrent que cela pourrait être une nouvelle façon de mettre en œuvre des programmes de traitement plus précis et moins exigeants.
Par exemple, explique Mills, à l’heure actuelle, nous avons tendance à considérer l’angoisse de séparation comme une affection unique : « mon chien souffre d’angoisse de séparation ». L’objectif est donc de rendre ce chien plus indépendant grâce à un traitement. Malheureusement, dans de nombreux cas, cette approche néglige complètement le véritable problème.
Ce nouveau travail indique qu’avoir l’angoisse de séparation, c’est plutôt dire « mon chien a l’estomac dérangé », ce qui peut avoir de nombreuses causes et prendre de nombreuses formes, et donc l’évaluation et le traitement doivent être beaucoup plus ciblés », selon Mills.
L’étude publiée dans Frontiers in Veterinary Science : Developing Diagnostic Frameworks in Veterinary Behavioral Medicine: Disambiguating Separation Related Problems in Dogs et présentée sur le site de l’université de Lincoln : New Research Unpicks Root Causes of Separation Anxiety in Dogs.