Une piste sur l’origine des émotions : les expressions faciales des souris
Les dessinateurs ont captivé des générations de lecteurs en humanisant les souris, depuis l’énigmatique Mickey Mouse et le charmant Stuart Little jusqu’au beau parleur Speedy Gonzales et au rusé Jerry, qui surpasse continuellement Tom.
Il s’avère qu’ils ont peut-être découvert quelque chose, du moins en ce qui concerne les émotions de ces petites créatures, selon une nouvelle étude (lien plus bas).
En 1872, Charles Darwin a proposé que les émotions universelles, innées et communicatives des animaux et des humains puissent être mieux comprises par le biais des expressions faciales.
Les humains utilisent clairement les mêmes expressions pour transmettre leurs émotions. Par exemple, le dégoût nous fait froncer le nez, rétrécir les yeux et déformer la lèvre supérieure. Si nous sommes heureux, nous sourions et si quelque chose nous rend tristes, nos lèvres se baissent sur les bords. Même les nouveau-nés montrent leur tristesse, leur bonheur et leur dégoût par des expressions faciales reconnaissables.
Mais l’étude des expressions faciales des animaux, tels que les primates non humains, les chiens, les chevaux et les moutons, pour comprendre leurs émotions fut laborieuse, sujette à des biais (erreurs) dans les évaluations humaines et difficile à reproduire.
En appliquant l’apprentissage automatique aux expressions faciales des souris, des chercheurs de l’Institut Max Planck de neurobiologie, en Allemagne, ont pu identifier des états émotionnels distincts de plaisir, de dégoût, de nausée, de douleur et de peur, et même leur force relative.
Il est important de noter que l’étude a montré qu’il ne s’agissait pas d’une simple réaction à un stimulus sensoriel, mais qu’elles reflétaient “l’émotion intérieure sous-jacente ».
Selon l’auteur principal Nadine Gogolla :
Les souris qui ont léché une solution sucrée lorsqu’elles avaient soif ont montré une expression faciale beaucoup plus joyeuse que les souris rassasiées.De même, une solution légèrement salée produisait une expression de « satisfaction », tandis qu’une trop grande quantité de sel entraînait une expression de » dégoût « .
Le défi consistant à mettre au point un test fiable des émotions à partir des expressions faciales a jusqu’à présent contrecarré les efforts visant à étudier leurs origines neurologiques.
Avec leur nouvelle méthode en main, les neurobiologistes ont pu étudier l’activité cérébrale sous-jacente. Ils ont même pu mettre en évidence différentes expressions faciales en activant par la lumière des zones spécifiques du cerveau liées au traitement des émotions. Cela ouvre de nouvelles portes pour la compréhension de la neurobiologie des émotions.
Les 6 expressions faciales de la souris (dégout, joyeux, douleur, effrayée, malade, fuyant). (Julia Kuhl)
Selon l’auteur principal, Nejc Dolensek :
Avec notre système automatisé de reconnaissance faciale, nous pouvons maintenant mesurer l’intensité et la nature d’une émotion sur une échelle de temps de quelques millisecondes et la comparer à l’activité neuronale dans les zones cérébrales concernées.
Le fait que les souris aient des émotions n’empêchera peut-être pas les chercheurs de les utiliser comme cobayes. Gogolla veut les utiliser pour mieux comprendre les émotions et ce qui ne va pas dans des troubles comme l’anxiété et la dépression.
En enregistrant les expressions faciales, nous pouvons maintenant étudier les mécanismes neuronaux fondamentaux derrière les émotions dans le modèle animal de la souris.
Dans un commentaire accompagnant l’étude, Benoit Girard et Camilla Bellone, de l’université de Genève, en Suisse, reconnaissent les nouvelles possibilités offertes par cette recherche.
Ils vont même plus loin en se demandant si cette approche « permettra de comprendre suffisamment les émotions pour construire des robots capables de lire et de réagir aux émotions humaines afin de mieux interagir dans notre société ».
L’étude publiée dans Science : Facial expressions of emotion states and their neuronal correlates in mice et présentée sur le site du Max Planck Institute of Neurobiology : The facial expressions of mice.