Consolidation de souvenirs : une étude montre comment notre cerveau endormi reproduit les activités récentes
Une étude de référence, publiée cette semaine (lien en fin d’article), offre la première preuve directe d’un processus de consolidation des souvenirs par notre cerveau pendant le sommeil. Les chercheurs ont observé chez l’humain des modèles d’activité neuronale pendant le sommeil qui suggèrent que nous rejouons nos expériences d’éveil lorsque nous nous reposons.
Depuis des décennies, les scientifiques étudient précisément comment le cerveau stocke les souvenirs, et des tests approfondis sur des animaux ont permis d’élucider un processus de consolidation de la mémoire pendant le sommeil appelé « relecture hors ligne » (offline replay). C’est là que le cerveau reproduit efficacement les modèles de déclenchement neuronal associés aux événements de l’éveil, pendant le sommeil.
Ce processus a été explicitement observé chez les animaux, mais n’a été qu’indirectement étudié chez l’homme. L’obstacle auquel les chercheurs se sont heurtés est que les techniques actuelles d’imagerie cérébrale, telles que les enregistrements intracrâniens par macroélectrodes ou IRMf, n’ont pas la résolution spatiale nécessaire pour fournir des données détaillées sur les modèles de fréquence de déclenchement neuronal chez l’homme.
Afin de pouvoir visualiser l’activité neurale humaine en différé, les scientifiques se sont associés à un projet de recherche en cours appelé BrainGate. En cours de développement depuis plus de dix ans, BrainGate consiste à implanter de minuscules réseaux de microélectrodes dans le cerveau de sujets souffrant de lésions profondes de la colonne vertébrale. L’objectif de la recherche est de développer une interface cerveau-ordinateur qui aide les personnes souffrant de handicaps moteurs graves à contrôler les ordinateurs et autres appareils.
Schéma d’une interface neuronale directe. L’homme pense le déplacement de la souris, l’électrode capte et rentransmets les informations à l’ordinateur. (Wikimédia)
Selon Beata Jarosiewicz de l’université Brown (Etats-Unis), coauteure de la nouvelle étude :
Il n’existe pas beaucoup de scénarios dans lesquels une personne aurait un réseau de multiélectrodes placé dans son cerveau, où les électrodes sont suffisamment minuscules pour pouvoir détecter l’activité d’activation de chaque neurone
Pour cette nouvelle recherche, deux sujets BrainGate atteints de tétraplégie ont été recrutés. L’activité neuronale de base a été enregistrée lors d’une première sieste, puis les deux sujets ont été chargés de jouer à un test de reproduction de séquences de couleurs sur le modèle du classique jeu vidéo des années 80, Simon. Bien sûr, au lieu de diriger physiquement un curseur, les sujets ont imaginé déplacer le curseur dans une séquence souhaitée.
Illustration résumant les tests effectués dans cette étude. (Jean-Baptiste Eichenlaub et col./ Cell Reports)
Après avoir joué au jeu, les sujets se sont reposés, ce qui a permis aux chercheurs d’avoir un aperçu détaillé de leur schéma de fonctionnement neural au repos. L’étude rapporte que le cerveau des sujets répétait les mêmes modèles de déclenchement neuronal pendant qu’ils se reposaient.
Toujours selon Jarosiewicz :
C’est la première preuve directe que chez l’homme, nous voyons aussi des répétitions pendant le repos après l’apprentissage, ce qui pourrait aider à consolider ces souvenirs. Tous les mécanismes de consolidation de la mémoire liés aux rediffusions que nous avons étudiés chez les animaux pendant toutes ces décennies pourraient en fait se généraliser aux humains également.
Bien que l’étude n’offre aucune preuve que ce processus de répétition en différé est directement lié à la consolidation de la mémoire pendant le sommeil, elle suggère que notre cerveau rejoue les événements d’une journée pendant que nous dormons la nuit. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre exactement quelle phase du sommeil déclenche le mieux ce type de mécanisme de répétition, et si la force du mécanisme de répétition peut être modulée.
Toutefois, Jarosiewicz souligne que cette étude vient s’ajouter au vaste ensemble de preuves affirmant l’importance du sommeil dans la formation de la mémoire. Elle suggère également que les recherches soulignent la valeur d’un bon sommeil pendant les périodes d’étude ou d’apprentissage de nouvelles compétences.
Nous avons de bonnes preuves scientifiques que le sommeil est très important dans ces processus.
L’étude publiée dans Cell Reports : Replay of Learned Neural Firing Sequences during Rest in Human Motor Cortex.