Planète ou pas, Pluton a connu un démarrage à chaud
Pluton semble s’être formée rapidement et avec une telle chaleur que dès sa naissance, elle avait un grand océan sous une couche de glace isolante, affirment des scientifiques.
Image d’entête : ce point de vue en haute résolution et aux couleurs améliorées de Pluton, obtenu par la sonde New Horizons en juillet 2015, montre le cœur de la planète naine et les étendues d’un énorme glacier de glace d’azote couvrant le bassin de la plaine Spoutnik. (NASA/ JHUAPL/ SwRI)
C’est une découverte qui non seulement modifie notre compréhension de la plus célèbre des planètes naines, mais qui ajoute également au consensus scientifique croissant selon lequel une fois que les planètes ont commencé à se former, elles ont continué à se développer rapidement, quasiment en un clin d’œil cosmique.
L’une des découvertes les plus surprenantes de la sonde spatiale New Horizons de la NASA, qui a survolé Pluton en 2015, est qu’un tel océan persiste encore, même si Pluton est en moyenne 40 fois plus éloigné du Soleil que la Terre.
La théorie dominante est que l’océan s’est formé sur un milliard d’années ou plus, la chaleur provenant de la désintégration des radioisotopes à longue durée de vie du noyau rocheux de Pluton faisant lentement fondre son manteau glacé.
Selon cette théorie du « démarrage à froid », Pluton aurait débuté dans le froid et le gel, l’océan se développant progressivement au fur et à mesure de l’augmentation de sa chaleur interne. Puis, comme les radioisotopes qui alimentaient son chauffage interne se sont lentement éteints, elle aurait commencé à se refroidir, permettant à l’océan de commencer progressivement à se recongeler, un processus qui se poursuit encore aujourd’hui.
Par contre, si Pluton s’était formée à chaud, l’océan se serait formé au même moment que Pluton elle-même, puis il aurait refroidi pour geler progressivement.
Cette distinction est essentielle, explique Francis Nimmo, un scientifique spécialiste des planètes à l’université de Californie à Santa Cruz (Etats-Unis), car l’eau se dilate lorsqu’elle gèle et se contracte lorsqu’elle fond.
Selon Nimmo, selon la théorie du démarrage à froid, Pluton se serait donc initialement contracté et ridé « comme une pomme laissée trop longtemps au réfrigérateur », car de plus en plus de glace fondait. Lorsque la chaleur interne a commencé à se dissiper et que l’océan a commencé à regeler, le processus se serait inversé et elle aurait commencé à se dilater, formant des fissures à sa surface, « comme des tuyaux d’eau pendant un hiver froid ».
Cependant, si elle s’était formée à chaud, elle se serait constamment étendue tout au long de son histoire, car elle se serait alors refroidie et une partie de plus en plus importante de son océan aurait gelé. Ainsi, selon Nimmo, même les parties les plus anciennes de sa surface ne présenteraient pas de rides, mais seulement des fissures d’expansion.
Pour comprendre ce qui s’est passé, son équipe a soigneusement examiné les meilleures images de la surface de Pluton prises par New Horizons, pour trouver des signes de vieilles rides.
Ils n’en ont trouvé aucune.
Selon le collègue de Nimmo, Carver Bierson, également de l’Université de Santa Cruz :
Nous voyons des terrains qui semblent aussi vieux que le système solaire. Sur ces terrains, nous ne voyons aucun signe de compression des rides.
Les plus anciennes caractéristiques de Pluton ressemblent plus à des fissures. Cela suggère que Pluton avait un océan depuis le début et que l’océan a lentement gelé.
Des failles d’extension (flèches) à la surface de Pluton indiquent une expansion de la croûte glacée de la planète naine, attribuée au gel d’un océan souterrain. (NASA/ Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/ Southwest Research Institute/ Alex Parker)
Si c’est le cas, la question suivante est de savoir comment Pluton a pu se former à une température assez élevée pour avoir un océan sous sa surface.
Toujours selon Bierson :
C’est un endroit froid. La température moyenne à la surface est de 45 degrés K ( – 228 °C).
La réponse, dit-il, est que Pluton a dû se former assez rapidement, en accumulant de la chaleur à partir de l’énergie d’impact de petits objets qui sont entrés en collision pour la former.
Chaque impact est comme une explosion qui va chauffer la région voisine. Si Pluton s’est formée lentement, cette région pourrait se refroidir entre les impacts. Mais si elle se formait rapidement, vous auriez un impacte par dessus un autre impacte par dessus un autre impacte.
Pour que cela produise suffisamment de chaleur pour former un océan, dit-il, « nous calculons qu’il devrait se former en moins de 30 000 ans », ce qui est bien moins que les millions d’années prévus par les autres modèles de formation planétaires.
C’est une découverte, ajoute-t-il avec Nimmo, qui est cohérente avec les nouveaux modèles montrant que les planétésimaux (les blocs de construction des planètes) peuvent se former très rapidement en raison de l”’effondrement » soudain d’essaims de particules plus petites.
La taille de ces petites particules est inconnue, précise-t-il. Peut-être y en avait-il une myriade de la taille de balles de ping-pong… ou peut-être avaient-elles des dizaines de kilomètres de diamètre : « Nous ne savons pas ».
Mais en fin de compte, la taille des percuteurs n’a pas d’importance, tout comme la vitesse à laquelle ils se sont écrasés sur la surface de la planète en pleine croissance.
Selon Pierson :
Tout dépend de la vitesse à laquelle vous fournissez l’énergie.
Cette découverte n’est pas seulement pertinente pour Pluton. Cela signifie que d’autres grands objets de la ceinture de Kuiper, comme Éris (à peu près de la même taille que Pluton) et Quaoar ( à peu près deux fois plus grand) ont probablement aussi rapidement formé des océans au début de leur histoire.
Et c’est une idée vraiment étonnante, car Quaoar n’est jamais aussi proche du Soleil que Pluton ne l’est actuellement, et Éris passe une grande partie de son temps encore plus loin, dans un royaume froid et sombre dans lequel, jusqu’à récemment, personne n’avait même rêvé qu’il puisse y avoir de l’eau liquide… et avec elle, la possibilité de la vie.
L’étude publiée dans Nature Geoscience : Evidence for a hot start and early ocean formation on Pluto et présentée sur le site de l’université de Californie à Santa Cruz : Evidence supports ‘hot start’ scenario and early ocean formation on Pluto.