Un squelette de chat vieux de 1000 ans suggère que des bergers nomades se sont occupés de l’animal blessé sur la route de la soie
La vie n’est pas facile pour les chats solitaires, quelle que soit l’époque à laquelle ils vivent. Toute maladie ou blessure, ainsi que la malnutrition, peuvent signifier la mort. Ce fut donc une surprise pour une équipe d’archéologues de trouver le squelette presque complet d’un chat dans un campement du 8e siècle au sud du Kazakhstan. Le squelette intact signifie qu’il a été enterré, comme si quelqu’un l’avait soigné, une découverte extrêmement rare.
Image d’entête, à partir de l’étude : les éléments du squelette du chat. Dans l’encadré gauche, un gros plan d’une fracture articulaire sur l’humérus gauche. Encart de droite : Radiographie et vue du modèle 3D du fémur droit. (A. F. Haruda et Coll./ Scientific Reports)
Le squelette presque complet du chat a été trouvé sur un site archéologique dans la ville médiévale de Dzhankent, au sud du Kazakhstan. Une équipe de recherche internationale, composée de scientifiques de l’université Martin Luther de Halle-Wittenberg (MLU/ Allemagne), de l’université d’État de Korkyt-Ata Kyzylorda au Kazakhstan et d’autres institutions, a récupéré la totalité du crâne du chat, sa mâchoire inférieure, des parties de son corps supérieur, ses pattes et quatre vertèbres.
A partir de l’étude : localisation de Dzhankent et d’autres sites archéologiques mentionnés dans le texte. Les sites marqués de carrés sont des centres urbains contemporains. (A. F. Haruda et Coll./ Scientific Reports)
Le site au Kazakhstan où à été trouvé les restes du chat. (Ashleigh Haruda / Uni Halle)
La datation au radiocarbone du fémur du chat a permis d’établir une date entre 775 et 940 apr. J.-C. À l’époque, cette région était habitée par le peuple Oghouzes, une tribu d’éleveurs turcs. Dzhankent était situé à un point essentiel de la route de la soie, un réseau de routes commerciales en Asie et dans la région méditerranéenne.
Nous savons qu’ils étaient nomades et qu’ils dépendaient de grands troupeaux de moutons, de chèvres, de bovins et de chevaux pour leur économie, tout comme les gens qui vivaient dans la steppe depuis des milliers d’années avant. Et ils possédaient apparemment des chats, ou du moins un chat, selon la nouvelle étude, publiée la semaine dernière (lien plus bas).
Le chat semble avoir été délibérément enterré, ce qui explique l’excellent état du squelette. De telles découvertes sont très rares, car les scientifiques trouvent généralement les restes épars d’os d’animaux, ce qui rend difficile la reconstitution de l’histoire de la vie d’un animal.
En même temps, les preuves de l’existence de chats remontant à cet endroit et à cette époque sont rares. Les preuves éparses qui existent suggèrent que des chats étaient parfois présents dans les villes agricoles, comme l’Iran et le Turkménistan actuels. Quant à ceux vivant avec les éleveurs, les scientifiques ont estimé que cela n’était probablement pas le cas, étant donné leur mode de vie mobile et l’absence de besoin utilitaire des félins.
Pour les personnes qui dépendent largement des animaux de troupeau pour leur survie et qui se déplacent dans le paysage, comme les bergers, les chats n’étaient probablement pas tous communs, ni même « utiles », selon Harada.
Mais comme le souligne la nouvelle recherche, ce chat semble avoir été soigné par ses propriétaires nomades. En effectuant des analyses physiques, génétiques et isotopiques du squelette, Harada et ses collègues ont reconstitué l’histoire de la vie de ce chat.
Les restes du chat. (Ashleigh Haruda / Uni Halle)
Les preuves ADN ont montré qu’il s’agissait très certainement d’un chat domestiqué, appartenant à l’espèce sauvage Felis catus L. et n’étant pas étroitement apparenté aux chats sauvages des steppes. L’âge du chat au moment de sa mort n’a pas pu être déterminé, mais il a probablement vécu au-delà de sa première année.
Des images 3D et des radiographies du squelette montrent que le chat a souffert de plusieurs fractures, mais qu’il s’est remis de ses blessures. Bizarrement, le chat avait perdu la plupart de ses dents, il ne pouvait donc probablement pas chasser ou se nourrir lui-même, une observation que les chercheurs ont attribuée au fait qu’il était soigné par des humains. Et en effet, comme l’a montré l’analyse isotopique, le chat avait une alimentation exceptionnellement riche en protéines, par rapport aux autres chats et chiens vivant pendant la même période.
De plus, les fractures et les traumatismes importants auraient rendu difficile le déplacement du chat pendant que les blessures guérissaient, précisent les chercheurs. Quant au régime riche en protéines, il suggère que le chat n’a pas reçu de bouillie de céréales ou d’autre rebut alimentaire, mais de la viande à la place.
Comme précisé plus haut, les chats n’auraient eu aucune utilité fonctionnelle pour les éleveurs. Alors pourquoi les Oghuz s’intéressaient-ils à eux ? Comme les chercheurs l’ont spéculé dans leur étude, les chats ont peut-être été considérés comme une nouveauté, une sorte d’animal de compagnie exotique.
Ce chat et peut-être d’autres auraient pu être acquis sur la route de la soie, ce qui indique un élément d’échange culturel jusqu’alors inconnu entre les régions le long du réseau commercial. La découverte montre également que l’acquisition de chats en tant que spécimens exotiques ou animaux de compagnie a eu lieu plus tôt dans les steppes d’Asie centrale que ce que l’on suppose habituellement. Comme le soulignent les chercheurs dans leur étude, le squelette du chat est « la preuve d’un changement fondamental dans la nature des relations entre l’homme et l’animal » dans cette région.
L’étude publiée dans Scientific Reports : The earliest domestic cat on the Silk Road et présentée sur le site de l’université Martin Luther de Halle-Wittenberg : Care for cats? So did people along the Silk Road more than 1,000 years ago.