Une pluie de roches spatiale en provenance d’astéroïdes est tombée sur la Terre et la Lune il y a 800 millions d’années
Il y a environ 800 millions d’années, la Terre a été bombardée par des fragments de météorites appartenant à la désintégration d’un énorme astéroïde de 100 km de large. On pense que la force d’impact cumulée a été de 30 à 60 fois supérieure à celle de l’impact de Chicxulub, l’astéroïde qui a frappé notre planète au large des côtes mexicaines et qui a anéanti les dinosaures d’un seul coup à la fin du Crétacé.
Image d’entête : représentation artistique d’une pluie d’astéroïdes sur le système Terre-Lune. (Murayama/ Université d’Osaka)
Cependant, vous n’auriez aucun moyen de le savoir, car tout cratère de plus de 600 millions d’années a été effacé par le broyage et le balayage incessants des forces érosives. Mais la Lune, dont l’atmosphère est si minime qu’elle n’existe pratiquement pas, porte encore les marques de cet ancien assaut qui a touché à la fois la Terre et son satellite.
Dans une nouvelle étude publiée cette semaine, des chercheurs japonais de l’université d’Osaka définissent l’âge et la formation de 59 cratères lunaires d’un diamètre supérieur à 20 kilomètres.
Ces énormes cratères ont été imagés par la caméra de terrain (TC) à bord de l’orbiteur lunaire Kaguya, construit par l’Agence spatiale japonaise (JAXA). Mais afin de déterminer leur âge, les chercheurs dirigés par Kentaro Terada, professeur au département des sciences de la terre et de l’espace de l’université d’Osaka, ont dû examiner la densité des cratères relativement petits dans les éjecta des cratères plus grands.
« Relativement petits » parce que certains des cratères pouvaient atteindre 1 km de diamètre. C’est peu par rapport au cratère Copernic, qui fait 93 km de diamètre. Rien que pour ce dernier, les chercheurs ont pu identifier 860 cratères plus petits, d’un diamètre de 0,1 à 1 km.
Le cratère Copernic et ses cratères satellites. (Wikimédia)
Au total, 8 des 59 cratères que les chercheurs ont examinés se sont formés simultanément. En se basant sur les lois d’échelle des cratères et les probabilités de collision, Terada et ses collègues estiment que jusqu’à 5 milliers de milliards de tonnes de météorites ont eu un impact sur le système Terre-Lune juste avant le Cryogénien (il y a 720-635 millions d’années).
Selon Terada, la pluie de météorites a été générée par la collision et la perturbation de deux grands astéroïdes d’un diamètre supérieur à 100 kilomètres. À titre de comparaison, l’impact dévastateur du Chicxulub, qui a conduit à l’extinction de 75% de toutes les espèces animales et végétales il y a plus de 65 millions d’années, a été généré par un astéroïde de 10 à 15 km de diamètre.
Certains de ces fragments sont tombés sur la Terre et la Lune, mais aussi sur d’autres planètes terrestres du système solaire, ainsi que sur le soleil lui-même. D’autres fragments se sont égarés dans la ceinture d’astéroïdes, où ils errent encore aujourd’hui en tant que membres de la famille d’Eulalie. D’autres vestiges sont entrés dans une évolution orbitale comme les astéroïdes proches de la Terre, tels que Ryugu et Bennu, qui présentent des structures de piles de gravats. En 2018, la JAXA a fait atterrir deux petites astromobiles (rovers) et une sonde à la surface de Ryugu, ce qui constitue un exploit sans précédent.
Après que cette pluie massive de météorites ait bombardé le système Terre-Lune, il y a environ 700 millions d’années, la planète s’est transformée en boule de neige. Pratiquement toute la surface de la Terre fut engloutie dans les glaces polaires et les océans se sont transformés en gadoue. Des éruptions volcaniques massives ont alors rejeté tellement de gaz à effet de serre dans l’atmosphère que la Terre est devenue si chaude que les océans étaient proches de leur point d’ébullition. Ensuite, le ciel noirci par la cendre a engendré un nouveau refroidissement global, et la Terre a repris sa forme de boule de neige.
Il est assez difficile d’imaginer une époque plus inappropriée pour les minuscules organismes unicellulaires et multicellulaires qui ont vu le jour. Mais curieusement, cette période géologique difficile, connue sous le nom de Cryogénien, coïncide avec le moment où la vie animale complexe a évolué. De l’alternance de glace et d’enfer sont nées les premières créatures complexes qui allaient finalement évoluer en méduses et coraux, escargots, poissons, dinosaures, oiseaux et, à un certain moment, en humains.
Quelle est la place de ces impacts vieux de 800 millions d’années dans tout cela ? L’étude suggère que les météorites ont déposé 100 milliards de tonnes de phosphore sur Terre, « ce qui est un ordre de grandeur supérieur à la quantité totale de phosphore de la mer moderne (en supposant que le volume des mers modernes est de 13,5×10^8 km3 et que la concentration de P est d’environ 3 μg/litre) », selon Terada qui ajoute :
Il est intéressant de noter que Reinhard et al. (Nature 2017) ont découvert que la teneur moyenne en P des échantillons de la fin du Tonien est plus de quatre fois supérieure à celle des échantillons pré-Cryogéniens et ils ont noté qu’un changement fondamental dans le cycle du phosphore a pu se produire pendant l’éon protérozoïque tardif après 800 Ma (jusqu’à 635 Ma).
Bien qu’il soit impossible de dire à ce stade comment le cours de la vie a été influencé par cette ancienne pluie de météorites, le phosphore extraterrestre pourrait avoir déposé suffisamment de nutriments pour lancer l’évolution d’une vie complexe.
Toujours selon Terada :
En général, les changements à grande échelle des cycles biogéochimiques marins sont sans aucun doute forcés par des processus tectoniques et magmatiques et par l’altération chimique de la croûte continentale, mais notre nouvelle découverte suggère que le flux d’éléments extraterrestres biodisponibles pourrait également avoir influencé les cycles biogéochimiques marins.
L’étude publiée dans Nature Communications : Asteroid shower on the Earth-Moon system immediately before the Cryogenian period revealed by KAGUYA.