Des dizaines de milliers de virus jusqu’alors inconnus de la science trouvés dans des excréments humains
Des chercheurs américains et australiens ont identifié 54 118 virus dans des échantillons d’excréments humains, dont 92 % n’étaient pas décrits dans les bases de données existantes.
La plupart de ces virus sont inoffensifs, 75 % d’entre eux étant des « phages » (ou bactériophages, représentés en image d’entête), c’est-à-dire des virus qui infectent les cellules bactériennes et non les cellules humaines.
Selon Phil Hugenholtz, professeur de microbiologie et d’évolution microbienne à l’université du Queensland (UQ/ Australie), et coauteur d’une étude (lien plus bas) décrivant ces recherches :
L’écosystème le plus étudié de la planète est notre propre intestin. Ce qui est apparu au cours des 5 à 10 dernières années en particulier, c’est que les micro-organismes de notre intestin sont vraiment essentiels à notre santé et à notre bien-être, et des dizaines de milliers d’échantillons de selles ont été analysés.
Nous disposons donc d’une tonne de données, mais ce sont surtout les bactéries qui ont été étudiées jusqu’à présent. Nous savons qu’il y a une grande diversité virale, mais cela n’a pas vraiment été examiné en détail.
Les chercheurs ont créé un « catalogue métagénomique » à partir de 11 810 échantillons de selles humaines figurant dans des bases de données publiques. La métagénomique est une méthode de séquençage et d’identification de l’ADN environnemental d’une série d’organismes, plutôt que d’isoler et d’identifier l’ADN d’un seul élément à la fois.
Bien que moins précise, cette méthode permet de découvrir plus rapidement de nouvelles espèces, car elle évite le « goulot d’étranglement de la culture », c’est-à-dire le travail de laboratoire nécessaire pour cultiver un seul type de virus ou de bactérie.
Pour Hugenholtz :
Nous nous attendions à ce qu’il y ait un tas d’espèces que nous n’avions jamais vues auparavant.
Les chercheurs de l’UQ ont aidé les scientifiques du Joint Genome Institute aux États-Unis à trier et à identifier l’ADN viral.
Notre participation spécifique à cette étude consistait à classer ces centaines de milliers de virus qui avaient été extraits de la base de données publique du métagénome fécal. Le système de classification actuel est basé sur des caractéristiques qui ne sont pas de bons marqueurs de l’évolution, et c’est pourquoi nous avons voulu essayer d’utiliser les génomes des virus pour les classer avec plus de précision.
Selon lui, le nouveau catalogue viral est plus qu’un simple « exercice de collecte de timbres » : les virus révélés pourraient être utiles pour lutter contre la résistance aux antibiotiques.
La plupart des virus découverts étaient des phages, qui ont été proposés comme moyen de combattre les infections bactériennes depuis plus d’un siècle, mais qui n’étaient pas, jusqu’à présent, aussi efficaces que les antibiotiques.
Via microscopie électronique à balayage des bactériophages attaquant une bactérie intestinale E. coli. (E.Buil)
Toujours selon Hugenholtz :
La phagothérapie est revenue en vogue, car nous avons beaucoup de microbes résistants aux antibiotiques.
Pensez-y comme à la différence entre un missile à tête chercheuse et le napalm. Les antibiotiques napalment toute la forêt, et ceci ressemble plus à un missile ciblé qui va entrer et éliminer un organisme particulier.
L’étude publiée dans Nature Microbiology : Metagenomic compendium of 189,680 DNA viruses from the human gut microbiome et les chercheurs présentent leurs travaux dans un article publié dans The Conversation : We found more than 54,000 viruses in people’s poo — and 92% were previously unknown to science.