Une nouvelle forme de glace artificielle souple et flexible
La glace d’eau n’est pas exactement connue pour sa flexibilité. En fait, c’est tout le contraire : elle est rigide et cassante, se fracturant et se brisant facilement. Des scientifiques viennent de produire des microfibres de glace d’eau capables de se plier en boucle, ce qui représente un pourcentage important de la déformation maximale précédente et ouvre de nouvelles perspectives pour l’exploration de la physique de la glace.
Images d’entête : issues des tests réalisés pour cette étude. (Peizhen Xu/ Bowen Cui/ Xin Guo/ Limin Tong/ Université Zhejiang)
La glace ne se comporte pas toujours comme nous l’attendons, et son élasticité, ou plutôt son manque d’élasticité, en est un parfait exemple. Théoriquement, elle devrait avoir une déformation élastique maximale d’environ 15 %. Dans le monde réel, la déformation élastique maximale jamais mesurée est inférieure à 0,3 %. La raison de cet écart est que les cristaux de glace présentent des imperfections structurelles qui augmentent leur fragilité.
Une équipe de chercheurs dirigée par le nanoscientifique Peizhen Xu de l’université de Zhejiang en Chine a donc tenté de créer de la glace avec le moins d’imperfections structurelles possible.
L’expérience consistait à placer une aiguille en tungstène dans une chambre ultrafroide, à environ moins 50 °C, ce qui est beaucoup plus froid que ce qui avait été tenté auparavant. De la vapeur d’eau a été libérée dans la chambre et un champ électrique a été appliqué. Celui-ci a attiré les molécules d’eau vers la pointe de l’aiguille, où elles se sont cristallisées, formant une microfibre d’une largeur maximale d’environ 10 micromètres, soit moins que la largeur d’un cheveu humain.
L’étape suivante consistait à abaisser la température entre moins 70 et moins 150 °C. Sous ces basses températures, les chercheurs ont essayé de plier les fibres de glace.
À moins 150 °C, ils ont constaté qu’une microfibre de 4,4 micromètres de diamètre était capable de se plier en une forme presque circulaire, avec un rayon de 20 micromètres. Cela suggère une déformation élastique maximale de 10,9 %, bien plus proche de la limite théorique que les tentatives précédentes. Mieux encore, lorsque les chercheurs ont relâché la glace, elle a repris sa forme initiale.
Bien que la glace puisse nous sembler identique, sa structure cristalline peut considérablement varier. Chaque configuration de molécules dans un cristal de glace est connue sous le nom de phase, et il existe un grand nombre de ces phases. Les transitions entre les phases peuvent se produire dans diverses conditions liées à la pression et à la température.
Avec leur glace flexible, l’équipe a observé cette transition de phase, d’une forme de glace connue sous le nom de glace Ih, la forme cristalline hexagonale de la glace ordinaire telle qu’on la trouve dans la nature, à la forme rhomboédrique de la glace II, qui est formée par la compression de la glace Ih. Cette transition s’est produite lors de flexions brusques de la microfibre de glace à des températures inférieures à – 70 °C et elle était également réversible.
Selon les chercheurs, cela pourrait offrir une nouvelle façon d’étudier les transitions de phase dans la glace.
Enfin, l’équipe a essayé d’utiliser sa glace quasi parfaite comme guide d’ondes pour la lumière, en fixant une lumière optique à une extrémité de la microfibre. Plusieurs longueurs d’onde ont été transmises aussi efficacement que les guides d’ondes sur puce de pointe tels que le nitrure de silicium et la silice, ce qui suggère que les microfibres de glace pourraient être utilisées comme guides d’ondes flexibles pour les longueurs d’onde optiques à basse température.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Nous pourrions imaginer l’utilisation des IMF (single-crystal ice microfibers) comme capteurs à basse température pour étudier, par exemple, l’adsorption moléculaire sur la glace, les changements environnementaux, la variation structurelle et la déformation de la surface de la glace.
En bref, les microfibres de glace élastiques démontrées ici peuvent offrir une plateforme alternative pour explorer la physique de la glace et ouvrir des possibilités jusqu’alors inexplorées pour la technologie liée à la glace dans diverses disciplines.
L’étude publiée dans Science : Elastic ice microfibers.