Confrontés à la perte de leur habitat et à de la nourriture toxique, les oiseaux de proie sont en déclin
Selon de nouvelles recherches, les rapaces (ou oiseaux de proie) connaissent un déclin dans le monde entier, mettant en péril la santé des écosystèmes. La destruction de leurs habitats est le principal facteur de ce déclin.
L’étude a analysé les données de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et de BirdLife International, un partenariat mondial d’organisations non gouvernementales impliquées dans la conservation des oiseaux et de leur habitat. Globalement, les données ont montré qu’environ 50 % des 577 espèces d’oiseaux de proie (rapaces) dans le monde sont en déclin. Environ 30 % sont menacées, vulnérables, en danger ou en danger critique d’extinction, 18 espèces entrant dans cette dernière catégorie.
Image d’entête, à partir de l’étude : exemples d’espèces de rapaces diurnes et nocturnes. La buse de Ridgway (Buteo ridgwayi) est en danger critique d’extinction et endémique à une région très restreinte de la République dominicaine. L’harpie féroce (Harpia harpyja) est le plus grand aigle de la région néotropicale, avec des populations en déclin (image de Carlos Navarro). Le vautour percnoptère (Neophron percnopterus), bien que largement répandu dans le sud de l’Europe et le nord de l’Afrique jusqu’en Inde, est en danger (image de Subramaya Chandrashekar). Le Kétoupa brun (Ketupa zeylonensis) est une espèce commune dans les régions tropicales du sous-continent indien (image de Subramaya Chandrashekar). (Carlos Cruz et col./ PNAS)
Plusieurs espèces risquent également de s’éteindre localement, même si elles se portent relativement bien en tant qu’espèce globale, explique l’équipe. Cela signifie qu’elles ne seraient plus en mesure de jouer le rôle de prédateur supérieur dans certains écosystèmes, un rôle essentiel pour la santé de ces derniers.
Selon Gerardo Ceballos, spécialiste des oiseaux à l’Université nationale autonome du Mexique et coauteur de l’étude :
L’aigle royal est l’oiseau national du Mexique, mais il ne reste que très peu d’aigles royaux au Mexique.
La principale menace qui pèse sur ces oiseaux est la destruction de leur habitat, explique l’équipe, à la fois par les problèmes directs qu’elle engendre pour eux, comme le manque de zones de nidification adéquates, l’augmentation de la concurrence entre espèces pour l’espace et les ressources, et par les effets indirects, notamment la diminution des populations d’animaux qui leur servent de proies.
Plus de la moitié des rapaces les plus actifs pendant la journée (54 %), dont la plupart des éperviers, des aigles et des vautours, connaissent un déclin continu de leurs populations. Les rapaces nocturnes s’en sortent un peu mieux, puisque seulement 47 % des espèces de cette catégorie présentent un déclin de leur population. Cela montre que les oiseaux subissent de fortes pressions en ce moment même, et non des pressions passées qui ont affecté leurs effectifs, mais qui ont été traitées entre-temps. En d’autres termes, la situation des espèces touchées ne fera qu’empirer avec le temps, et il est possible que de nouvelles espèces commencent également à être touchées si aucune mesure n’est prise.
Outre la destruction de l’habitat, les autres causes principales du déclin des rapaces mises en évidence dans cette étude comprennent des composés tels que les poisons pour rongeurs, utilisés dans l’agriculture, et la grenaille de plomb qui est généralement utilisée pour la chasse aux oiseaux. Les rapaces se nourrissent régulièrement de rongeurs et de charognes, et ces composés les affectent donc par inadvertance. L’utilisation massive d’anti-inflammatoires chez le bétail favorise également le déclin rapide des rapaces, par le même mécanisme. Ce problème se pose particulièrement en Asie du Sud, où certaines espèces ont diminué de 95 % au cours des dernières décennies en raison de la consommation de carcasses de bétail.
Tirées de l’étude, clic pour agrandir : cartes mondiales de répartition des espèces de rapaces. La richesse des espèces est représentée pour (A) toutes les espèces, (B) les espèces diurnes, (C) les espèces nocturnes, (D) les espèces menacées (catégories UICN : CR, EN, VU), (E) l’endémisme politique, et (F) les espèces à aire de répartition restreinte. (Carlos Cruz et col./ PNAS)
Cette étude dresse une liste de 4 200 sites précédemment identifiés par des groupes de protection de la nature comme étant essentiels à la santé des rapaces dans le monde. Selon l’équipe, la plupart de ces sites ne sont protégés d’aucune manière, ou ne bénéficient que d’une couverture partielle par des zones protégées. Pour illustrer l’impact que cet état de fait peut avoir sur les communautés de rapaces sur un large éventail géographique, les auteurs donnent l’exemple de l’Asie de l’Est. Les espèces de rapaces de cette région ont tendance à se reproduire dans le nord de la Chine, en Mongolie ou en Russie, puis à migrer le long de la côte orientale de la Chine pour passer l’été en Asie du Sud-Est ou en Inde.
De multiples espèces passent donc par une poignée de sites au cours de leurs migrations, de sorte que les problèmes de l’un d’entre eux auront des répercussions de grande ampleur. L’est de la Chine, par exemple, est très densément peuplé et fortement urbanisé. Les sites de cette région sont donc soumis à des pressions très importantes dues à l’activité humaine, notamment la destruction de l’habitat et la contamination par des composés agricoles.
L’étude publiée dans PNAS : Global patterns of raptor distribution and protected areas optimal selection to reduce the extinction crises.