Détection de nuages sur la lointaine exoplanète WASP-127b, révélant la structure supérieure de son atmosphère
En utilisant les données de plusieurs télescopes, des scientifiques ont détecté des nuages sur une géante gazeuse, une exoplanète située à quelque 520 années-lumière de la Terre. Les observations étaient si détaillées qu’elles ont même permis de déterminer l’altitude des nuages et la structure de la haute atmosphère, avec la plus grande précision qui soit.
Image d’entête : représentation artistique de WASP-127b passant devant son étoile. (Gabriel Pérez/ SMM (IAC))
Ces travaux permettront de mieux analyser à l’avenir les atmosphères des exoplanètes et de rechercher des mondes susceptibles de présenter des conditions propices à la vie ou des biosignatures (des signes de la vie) dans leurs spectres. Nous nous rapprochons également de la prévision météorologique pour de lointains mondes extraterrestres.
L’exoplanète en question est WASP-127b, découverte en 2016. C’est une boule chaude et donc bouffie, orbitant si près de son étoile que son année ne compte que 4,2 jours. L’exoplanète fait 1,3 fois la taille de Jupiter, mais sa masse n’est que de 0,16 fois celle de Jupiter.
Certains des éléments qui rendent WASP-127b unique, comparé aux planètes de notre système solaire. (David Ehrenreich/ Université de Genève, Romain Allart/ Université de Montréal)
Cela signifie que son atmosphère est plutôt mince et ténue, ce qui est parfait pour tenter d’analyser son contenu à partir de la lumière qui la traverse depuis l’étoile de l’exoplanète.
Pour ce faire, une équipe de chercheurs dirigée par l’astronome Romain Allart de l’Université de Montréal au Canada a combiné les données infrarouges du télescope spatial Hubble et les données optiques de l’instrument ESPRESSO du Very Large Telescope au sol, afin d’observer l’atmosphère de WASP-127b à différentes altitudes.
Selon Allart :
Tout d’abord, comme cela a été constaté auparavant dans ce type de planète, nous avons détecté la présence de sodium, mais à une altitude beaucoup plus basse que ce à quoi nous nous attendions.
Deuxièmement, il y avait de forts signes de vapeur d’eau dans l’infrarouge, mais aucun dans les longueurs d’onde visibles. Cela implique que la vapeur d’eau à des niveaux inférieurs est filtrée par des nuages qui sont opaques aux longueurs d’onde visibles mais transparents dans l’infrarouge.
Déterminer la composition des atmosphères exoplanétaires est une tâche délicate. En effet, nous ne pouvons pas voir directement la plupart des exoplanètes, leur présence est déduite en fonction des effets qu’elles ont sur leur étoile hôte. L’un de ces effets est l’atténuation et l’éclaircissement : lorsque l’exoplanète passe entre nous et l’étoile, la lumière de l’étoile s’atténue, juste un tout petit peu.
Le transit, une méthode de détection des planètes lorsqu’elles passent devant leur étoile, en diminuant la luminosité de cette dernière. (NASA)
Si cela se produit suffisamment souvent, de façon régulière, c’est l’un des signes révélateurs d’une exoplanète en orbite (méthode du transit). Et on peut utiliser cette information d’autres façons aussi. Lorsque la lumière des étoiles traverse l’atmosphère de l’exoplanète, les longueurs d’onde du spectre peuvent être absorbées par différents éléments. Ces signatures sont appelées raies d’absorption, et il est possible de les déchiffrer pour voir ce qu’il y a dans cette atmosphère.
C’est ce qu’Allart et son équipe ont fait, en utilisant des données d’absorption à haute résolution pour restreindre l’altitude des nuages à une couche nuageuse étonnamment basse, dont la pression atmosphérique se situe entre 0,3 et 0,5 millibar.
Toujours selon Allart :
Nous ne connaissons pas encore la composition des nuages, si ce n’est qu’ils ne sont pas composés de gouttelettes d’eau comme sur Terre.
Nous sommes également perplexes quant à la raison pour laquelle le sodium se trouve dans un endroit inattendu sur cette planète. Les prochaines études nous aideront à mieux comprendre non seulement la structure atmosphérique, mais aussi WASP-127b, qui s’avère être un endroit fascinant.
L’analyse de l’équipe a également mis en évidence certaines particularités de l’orbite de WASP-127b autour de son étoile. Dans le système solaire, où tout est ordonné, toutes les planètes orbitent dans le sens de la rotation du Soleil, dans un plan plus ou moins plat autour de l’équateur du Soleil. Ceci est dû à la façon dont le système solaire s’est formé, à partir d’un disque de matière tourbillonnant autour du jeune Soleil en rotation.
L’orbite de WASP-127b n’est pas seulement dans la direction opposée à la rotation de son étoile, mais à un angle très prononcé, presque autour des pôles de l’étoile. Le système serait âgé d’environ 10 milliards d’années, ce qui signifie que quelque chose d’étrange se passe dans ce voisinage particulier.
Un tel alignement est inattendu pour une Saturne chaude dans un vieux système stellaire et pourrait être causé par un compagnon inconnu.
Toutes ces caractéristiques uniques font de WASP-127b une planète qui sera très intensément étudiée à l’avenir.
Représentation artistique de WASP-127b passant devant son étoile. (Gabriel Pérez/ SMM (IAC))
L’étude publiée dans Astronomy & Astrophysics : WASP-127b: a misaligned planet with a partly cloudy atmosphere and tenuous sodium signature seen by ESPRESSO et présentée sur le site de l’Europlanet Society : Cloud-spotting on a distant exoplanet et sur le site de l’Institut d’Astrophysique des Canaries : Researchers discover multiple alkali metals in unique exoplanet.