Des robots-poissons effraient des espèces envahissantes
La gambusie est une espèce envahissante nuisible dans une grande partie du monde, qui supplante et domine les poissons indigènes et d’autres formes de vie aquatique. Les scientifiques travaillent actuellement sur une solution à ce problème, sous la forme d’un robot-bar (<- le poisson, ou robot-bass en anglais).
Image d’entête : le bar à grande bouche robotisé, prêt à intervenir. (Giovanni Polverino)
Afin de rendre les poissons et les têtards indigènes/ locaux incapables d’accéder à des aliments tels que les larves d’insectes, les gambusies leur arrachent régulièrement des morceaux de queue. Finalement, sans queue, les animaux sont incapables de nager, laissant les larves aux gambusies.
Comme ils ne peuvent pas se nourrir, les créatures locales finissent par mourir de faim. De plus, les gambusies exercent une pression supplémentaire sur les populations locales de poissons et de grenouilles en mangeant leurs œufs.
Un des têtards utilisés dans l’étude, avec une gambusie s’approchant par le haut. (Giovanni Polverino)
Malheureusement, les approches telles que la capture manuelle des gambusies au filet sont trop longues et trop laborieuses pour être pratiques. Une équipe de scientifiques australiens, américains et italiens s’est donc tournée vers l’un des principaux prédateurs naturels du poisson, l’achigan à grande bouche (encore appelé Bar noir). L’introduction d’un vrai bar dans les lacs et les étangs risquant de perturber l’équilibre écologique existant, il fallait une version robotisée.
Afin de tester leur idée de base, les chercheurs ont construit un bar en caoutchouc plus vrai que nature, monté sur un arbre vertical transparent muni d’un aimant à sa base. Il a été placé dans un réservoir rempli d’eau, sous lequel se trouvait un autre aimant qui engageait l’aimant du robot par le fond du réservoir. En utilisant des moteurs pas à pas et un appareil semblable à un traceur pour déplacer l’aimant situé sous le réservoir d’avant en arrière, il était donc possible de faire glisser le robot dans le réservoir dans ces mêmes directions.
A partir de l’étude : le dispositif expérimental. (Giovanni Polverino et col./ iScience)
Des groupes de six gambusies sauvages et de six têtards de grenouilles australiennes (Dryopsophus moorei) ont également été placés dans le réservoir pendant des périodes d’une heure, et deux webcams suspendues ont surveillé leurs mouvements. Chaque fois que l’on observait une gambusie s’approcher d’un des têtards, le robot était activé pour se déplacer dans la zone et chasser la gambusie.
Il a été constaté qu’au cours de la période d’essai de 5 semaines, les gambusies qui ont été chassées à plusieurs reprises par le robot sont devenues beaucoup plus réticentes à s’approcher des têtards que le groupe témoin qui n’a pas été chassé. Cet effet a persisté même lorsque le robot n’était plus présent.
De plus, les poissons stressés et poursuivis par le robot ont perdu du poids, sont devenus plus minces et leur fertilité a diminué, ce qui a eu un impact négatif sur leur survie en tant qu’espèce dans l’environnement local.
Comme les têtards avaient une vision beaucoup moins bonne que les gambusies, ils ne semblaient pas être gênés par les mouvements du robot. En fait, comme les gambusies ne les dérangeaient plus, ils avaient tendance à s’aventurer plus loin pour chercher de la nourriture, augmentant ainsi leurs chances de survie.
Résumé graphique de l’étude. (Giovanni Polverino et col./ iScience)
Bien entendu, le dispositif actuel ne peut être appliqué aux plans d’eau naturels. Cela dit, les données confirment l’idée qu’un robot-bar autonome autopropulsé, ou une autre technologie de chasse aux gambusies, pourrait faire une grande différence dans de tels environnements.
Selon le Dr Giovanni Polverino, de l’université d’Australie occidentale, premier auteur de l’étude :
Les espèces envahissantes constituent un énorme problème dans le monde entier et sont la deuxième cause de perte de biodiversité. Avec un peu de chance, notre approche consistant à utiliser la robotique pour révéler les faiblesses d’un ravageur incroyablement efficace ouvrira la porte à l’amélioration de nos pratiques de biocontrôle et à la lutte contre les espèces envahissantes. Nous sommes très enthousiastes à ce sujet.
L’étude publiée dans iScience : Ecology of fear in highly invasive fish revealed by robots et présentée sur le site de l’université d’Australie occidentale : Robots use fear factor against highly invasive fish.
Je viens rarement t’embêter vu la qualité incroyable de ton travail le Guru, mais ce coup-ci, je pinaille. « Nuisible » est un terme ultra anthropocentré qui a même disparu des textes de lois justement à cause de ça.
Si nos lois l’ont, en bonne partie, intégré depuis 2016, le Guru peut l’intégrer en 2022 ? =)
Bonjour Julien, vous avez totalement raison de pinailler et également raison sur le terme de nuisible (tout comme « mauvaises herbes » d’ailleurs). Une erreur dont le Guru est pourtant sensible, mais qui lui a échappé sur ce coup-là ! Merci Julien.