Finalement, les nuages de Vénus pourraient être habitables à des formes de vie neutralisant l’acide
Les attentes concernant la vie sur Vénus sont devenues un peu plus abordables depuis environ deux ans. En 2018, des chercheurs ont publié une étude selon laquelle l’atmosphère pourrait être tout juste assez favorable à la vie microbienne. Plus tard, en 2020, des scientifiques ont découvert que la phosphine, un gaz associé aux organismes vivants, pourrait exister dans les nuages de la planète. Entre temps, deux études ont remis en question la présence de phosphine et d’eau dans l’atmosphère de Vénus. Aujourd’hui, un groupe de scientifiques découvre d’autres façons dont la vie pourrait éventuellement exister dans ces nuages.
Image d’entête : représentation artistique d’une biosphère atmosphérique dans les couches nuageuses de l’atmosphère de Vénus. (J. Petkowska/ MIT)
Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT/ Etats-Unis)), de l’université de Cardiff et de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) ont détecté une méthode chimique par laquelle la vie pourrait contrer le monde acide de la planète pour créer une poche habitable autonome dans l’atmosphère.
La température à la surface de la deuxième planète en partant du Soleil oscille généralement autour de 453 °C, suffisamment pour faire fondre le plomb. Elle compte 167 volcans de plus de 100 km de diamètre. Les niveaux de dioxyde de soufre et de dioxyde de carbone atteignent des records. Les nuages recouvrent la planète de gouttelettes d’acide sulfurique suffisamment caustiques pour faire un trou dans la peau humaine. Tous les atterrisseurs envoyés sur Vénus ont survécu quelques minutes tout au plus avant de fondre ou d’être écrasés par l’environnement hostile (et d’autres sondes sont en route). Alors, pardonnons à ceux qui pensent que la vie telle que nous la connaissons pourrait être difficile à trouver.
Une image récemment améliorée des nuages recouvrant Vénus, obtenue par la sonde Mariner 10 de la NASA en 1974. (NASA/ JPL-Caltech)
Cependant, malgré tout cela, les chercheurs ont toujours gardé espoir. Cet enthousiasme a notamment été alimenté par d’étranges anomalies de l’atmosphère de la planète, comme l’ammoniac et de petites concentrations d’oxygène et de particules non sphériques, appelées particules de mode 3 (Mode 3 particles), contrairement aux gouttelettes rondes de l’acide sulfurique. De toute évidence, l’ammoniac, détecté pour la première fois dans les années 1970, ne devrait même pas être présent sur Vénus, puisqu’il n’est produit par aucun processus chimique connu. Alors, que se passe-t-il ?
Les scientifiques ont tenté de trouver la réponse en modélisant une série de processus chimiques pour montrer que si l’ammoniac est effectivement présent, le gaz déclencherait un torrent de réactions chimiques qui neutraliseraient les gouttelettes adjacentes d’acide sulfurique et pourraient également expliquer la plupart des variations observées dans les nuages de la planète. Quant à la cause de l’ammoniac lui-même, les chercheurs estiment que son origine la plus probable est biologique, plutôt qu’une source non biologique comme la foudre ou les éruptions volcaniques.
En fait, la vie pourrait fabriquer son propre environnement.
Selon Sara Seager, coauteure de l’étude et professeure de sciences planétaires au département des sciences de la terre, de l’atmosphère et des planètes du MIT et qui était également l’une des auteures de l’étude sur la phosphine vénusienne de 2020 :
Aucune vie que nous connaissons ne pourrait survivre dans les gouttelettes de Vénus. Mais le fait est que, peut-être, une certaine vie est là, et qu’elle modifie son environnement pour qu’il soit vivable.
L’équipe a découvert que si la vie générait de l’ammoniac de la plus efficace des manières, les réactions chimiques corrélées produiraient naturellement de l’oxygène. Une fois présent dans les nuages, l’ammoniac se dissoudrait dans des perles d’acide sulfurique, neutralisant essentiellement l’acide pour rendre les gouttelettes relativement habitables. L’introduction d’ammoniac dans les gouttelettes modifierait leur forme liquide, auparavant ronde, en une bouillie non sphérique, semblable à du sel. Une fois l’ammoniac dissous dans l’acide sulfurique, la réaction déclenche la dissolution du dioxyde de soufre voisin.
L’existence de l’ammoniac pourrait alors expliquer la plupart des anomalies majeures observées dans les nuages de Vénus. Les chercheurs vont plus loin et expliquent que des sources telles que la foudre, les éruptions volcaniques et même un impact de météorite ne pourraient pas générer chimiquement la quantité d’ammoniac nécessaire pour expliquer les anomalies. La vie, en revanche, pourrait le faire.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Production of ammonia makes Venusian clouds habitable and explains observed cloud-level chemical anomalies et présentée sur le site du MIT : Could acid-neutralizing life-forms make habitable pockets in Venus’ clouds?