L’antimatière semble réagir à la gravité de la même manière que la matière ordinaire
Des physiciens du laboratoire européen pour la physique des particules (CERN) ont découvert que l’antimatière tombe. Bien sûr, cela semble évident, mais les scientifiques n’ont pas encore pu confirmer que l’antimatière réagit à la gravité de la même manière que la matière ordinaire. Cette nouvelle expérience apporte la meilleure confirmation à ce jour.
L’antimatière ressemble beaucoup à la matière qui compose tout ce qui nous entoure, à une différence importante près : ses particules ont une charge électrique opposée. Et cette simple différence a de grandes implications : lorsqu’une particule et son antiparticule se rencontrent, elles s’annihilent mutuellement.
Heureusement pour nous, êtres de matière, l’antimatière est extrêmement rare dans l’univers, mais personne ne sait vraiment pourquoi. Le Big Bang aurait dû produire des quantités égales de matière et d’antimatière, qui auraient fini par anéantir la totalité du contenu de l’univers il y a des milliards d’années. Le fait que nous soyons ici aujourd’hui pour poser la question montre qu’un facteur inconnu a engendré un déséquilibre.
Les physiciens étudient donc de près l’antimatière pour voir s’il existe d’autres différences entre elle et la matière ordinaire, outre la charge, qui pourraient expliquer ce déséquilibre. Selon le modèle standard, il ne devrait pas y avoir d’autres différences. Si les scientifiques trouvent quelque chose, cela pourrait ouvrir un tout nouveau monde de la physique.
Cela signifie qu’il faut revenir à l’essentiel pour examiner l’antimatière. Par exemple, chaque élément absorbe et émet différentes longueurs d’onde de lumière, produisant une empreinte unique appelée spectre d’émission. L’antimatière devrait avoir le même spectre que son homologue de matière, mais ce n’est qu’en 2016 que les scientifiques du CERN ont finalement vérifié. Ils ont constaté que l’antihydrogène avait le même spectre que l’hydrogène.
La réaction de l’antimatière à la gravité est une autre question apparemment simple qui a nécessité des années d’étude. On pourrait croire que nous le savons déjà, mais la plupart du temps, l’antimatière est suspendue dans des pièges électromagnétiques pour l’empêcher de s’annihiler avec les conteneurs. On s’attend à ce que l’antimatière réagisse à la gravité de la même manière que la matière ordinaire, mais il y a une infime chance que ce ne soit pas le cas et qu’elle tombe plutôt vers le haut.
Pour tester cette idée, l’équipe a placé des antiprotons et des ions hydrogène chargés négativement dans un dispositif électromagnétique appelé piège de Penning.
Piège de Penning. (collaboration BASE/ CERN)
Une fois à l’intérieur, les particules suivent une trajectoire cyclique et, en mesurant leur fréquence, les scientifiques peuvent calculer leur rapport charge/masse. Ce rapport devrait être le même pour les particules de matière et d’antimatière, mais toute différence serait attribuée aux variations de leurs interactions avec la gravité.
Et l’équipe a constaté que la matière et l’antimatière réagissent de la même manière à la gravité. Du moins, dans les limites de l’incertitude de l’expérience, c’est-à-dire à 97 % près de l’accélération gravitationnelle subie par les particules. C’est quatre fois plus précis que les expériences précédentes, précise l’équipe.
Cependant, cela laisse encore de la place à une nouvelle physique de se faufiler. D’autres expériences testent les interactions de l’antimatière avec la gravité par le biais d’une approche qui semble beaucoup plus simple : laisser tomber des particules d’antimatière et voir où elles vont. Si ces équipes obtiennent des résultats différents de ceux de l’expérience actuelle, cela pourrait laisser entrevoir une physique au-delà du modèle standard.
L’étude publiée dans Nature : A 16-parts-per-trillion measurement of the antiproton-to-proton charge–mass ratio, présentée sur le site du CERN : L’expérience BASE présente de nouveaux résultats sur les comparaisons matière-antimatière et sur le site du RIKEN : Matter and antimatter seem to respond equally to gravity.