Il se pourrait que l’eau sur Mars ne soit qu’un mirage
Une vague d’enthousiasme a déferlé sur la communauté scientifique en 2018, lorsque des chercheurs ont annoncé avoir trouvé des preuves d’eau liquide sur Mars. Là où il y a de l’eau, il y a aussi la possibilité alléchante d’une vie microbienne, du moins, si l’on se fie à la vie sur Terre.
Malheureusement, une nouvelle étude de la planète rouge menée par des chercheurs de l’université du Texas jette le doute sur les résultats de 2018, en suggérant une autre conclusion décevante et banale : les reflets chatoyants initialement considérés comme de l’eau sous-glaciaire ne sont rien d’autre qu’un mirage causé par de la roche volcanique enfouie sous la glace.
Image d’entête : le pôle Sud martien obtenu par la sonde Mars Express en décembre 2012, à peu près au moment où elle a commencé à recueillir les profils radar du plan d’eau. (ESA/ Mars Express)
L’étude (lien plus bas) documente des reflets similaires dans les plaines volcaniques que l’on trouve sur toute la surface de la planète, où les conditions ne conviennent pas à l’eau liquide.
Au cœur de l’écart entre les deux conclusions se trouve une vérité simple : il est difficile de faire de la science sur une autre planète.
L’annonce de 2018 citait des preuves provenant d’un instrument radar à bord de l’orbiteur Mars Express de l’Agence spatiale européenne (ESA). Les signaux radar peuvent pénétrer la roche et la glace, et dans ce cas, ils ont montré des signaux lumineux sous la calotte polaire martienne qui, selon les chercheurs, correspondaient à de l’eau liquide.
L’affirmation était de taille. La possibilité d’environnements liquides potentiellement habitables pour les microbes était enthousiasmante. Mais les grandes affirmations nécessitent des preuves solides, et d’autres scientifiques ont mis en doute les conditions improbables nécessaires pour maintenir l’eau à l’état liquide au pôle sud froid et aride de Mars. Bien que la glace d’eau soit abondante, on pense généralement que toute eau suffisamment chaude pour être liquide à la surface ne durerait que quelques instants avant de se transformer en vapeur dans la brumeuse atmosphère martienne.
Selon l’auteur principal de l’étude, Cyril Grima, un scientifique planétaire de l’Institut de géophysique de l’Université du Texas :
Pour que l’eau se maintienne aussi près de la surface, il faut à la fois un environnement très salé et une forte source de chaleur générée localement, mais cela ne correspond pas à ce que nous savons de cette région.
Le terrain situé sous la calotte glaciaire martienne étant masqué par plus d’un kilomètre de glace, découvrir la vérité sur ce qui se trouve réellement en dessous était une tâche difficile.
Dans un élan de réflexion parallèle, l’équipe s’est demandée comment d’autres caractéristiques du terrain martien pourraient apparaître aux signaux radar si elles étaient également recouvertes de glace. À l’aide d’une carte radar exceptionnellement détaillée de Mars, établie à partir de trois années de données provenant du MARSIS, un instrument radar lancé en 2005 à bord de Mars Express de l’Agence spatiale européenne, l’équipe a superposé une couche de glace globale imaginaire sur l’ensemble de la planète, à la recherche d’éléments qui pourraient produire des signaux radar cohérents avec ceux du pôle s’ils étaient également enfouis sous une épaisse couche de glace.
Une carte radar de Mars vue à travers un kilomètre de glace. Cyril Grima a construit un modèle informatique pour recouvrir la planète rouge de glace et a observé comment cela modifiait les données radar. Les plaines volcaniques (vues en rouge) ont ainsi réfléchi les ondes radar d’une manière qui ressemblait à de l’eau liquide. (Cyril Grima)
La simulation de la couche de glace a donné des résultats surprenants.
Les signaux brillants et réfléchissants qui laissaient présager la présence d’eau étaient dispersés sur toute la surface, sous toutes les latitudes. Dans la mesure où cela a pu être confirmé, ils correspondaient aux emplacements des plaines volcaniques connues.
Sur Terre, les coulées de lave riches en fer peuvent laisser derrière elles des roches qui réfléchissent les ondes radar de manière similaire, ce qui en fait une explication possible. Parmi les autres possibilités, citons les dépôts de minéraux dans les lits de rivières asséchées, une conclusion cohérente avec d’autres études récentes sur ces mirages chatoyants.
Isaac Smith, géophysicien spécialiste de Mars à l’Université York au Canada, pense que les signatures radar brillantes sont une sorte d’argile fabriquée lorsque la roche s’érode dans l’eau. Dans une étude de 2021, Smith a constaté que les argiles terrestres produisent des réflexions radar brillantes semblables à celles qui ont été prises pour de l’eau en 2018.
Selon Isaac Smith :
Je pense que la beauté de la découverte de Grima est que, bien qu’elle mette à bas l’idée qu’il pourrait y avoir de l’eau liquide sous le pôle sud de la planète aujourd’hui, elle nous donne également des endroits très précis où aller pour chercher des preuves d’anciens lacs et lits de rivière et tester des hypothèses sur l’assèchement plus large du climat de Mars sur des milliards d’années.
Pour Smith, cette étude est une leçon qui donne à réfléchir sur la démarche scientifique, aussi pertinente sur Terre que sur Mars, ajoutant :
La science n’est pas infaillible du premier coup. C’est particulièrement vrai en science planétaire, où nous étudions des endroits que personne n’a jamais visités et où nous nous appuyons sur des instruments qui détectent tout à distance.
Grima et Smith collaborent actuellement à des propositions de missions visant à trouver de l’eau sur Mars à l’aide d’un radar, à la fois comme ressource pour les futurs sites d’atterrissage humains et pour rechercher des signes de vie passée.
L’étude publiée dans Geophysical Research Letters : The Basal Detectability of an Ice-Covered Mars by MARSIS et présentée sur le site de l’Université du Texas à Austin : Hope for Present-Day Martian Groundwater Dries Up.