De nombreux oiseaux pondent leurs œufs jusqu’à un mois plus tôt en raison du changement climatique
De nombreuses espèces d’oiseaux semblent nicher et pondre leurs œufs beaucoup plus tôt qu’il y a cent ans, soit presque un mois entier plus tôt. Le coupable semble être le changement climatique.
Image d’entête : œufs du Pluvier kildir qui, selon cette nouvelle étude, pond actuellement ses œufs 30 jours en avance. (Wikimedia)
Le printemps est à nos portes, et bientôt, les oiseaux qui viennent de pondre le feront aussi. Mais de nouvelles recherches menées par le Field Museum of Natural History de Chicago (Etats-Unis), indiquent qu’au moins certains de ces oisillons arriveront beaucoup plus tôt qu’il y a cent ans. Environ un tiers des espèces d’oiseaux d’Amérique du Nord incluses dans cette étude nichaient et pondaient leurs œufs en moyenne 25 jours plus tôt qu’au siècle dernier. Pour autant que l’on puisse en juger, ce décalage est dû aux changements de température, à l’arrivée du printemps et aux précipitations provoquées par le changement climatique d’origine humaine.
Selon John Bates, conservateur des oiseaux au Field Museum et auteur principal de l’étude
Les collections d’œufs sont un outil tellement fascinant qui nous permet d’en savoir plus sur l’écologie des oiseaux au fil du temps. J’aime le fait que cette étude combine ces ensembles de données anciennes et modernes pour examiner ces tendances sur environ 120 ans et aider à répondre à des questions vraiment essentielles sur la façon dont le changement climatique affecte les oiseaux.
Une fois que j’ai appris à connaître notre collection d’œufs, j’ai commencé à réfléchir à la valeur des données de cette collection, et au fait que ces données ne sont pas reproduites dans les collections modernes.
La collection d’œufs du Field Museum se trouve dans une petite pièce, remplie du sol au plafond de divers espaces de dépôt contenant des centaines d’œufs, plutôt des coquilles d’œufs nettoyées et séchées. La plupart d’entre eux ont été collectés il y a plus ou moins un siècle, et chacun d’entre eux est présenté dans sa propre boîte avec des étiquettes décrivant l’espèce à laquelle ils appartiennent, le lieu où ils ont été ramassés et le jour précis de la collecte. Les spécimens commencent à se raréfier vers les années 1930, lorsque la collecte académique d’œufs est passée de mode. Tous ces spécimens ont été utilisés dans l’étude.
La biologiste Ann McLellan Bigelow travaillant dans les collections d’œufs du Field Museum en 1951. (John Bayalis/ Field Museum)
Bates a également utilisé les données recueillies par son collègue Bill Strausberger, chercheur associé au Field, qui travaille depuis des années sur le parasitisme des vachers qui pratique donc le parasitisme de couvée, enregistrant les dates de nidification et de ponte des nids d’oiseaux à l’Arboretum Morton, dans la banlieue de Chicago, ainsi que d’autres informations utiles.
Toujours selon Bates :
Il devait se rendre sur place chaque printemps et trouver autant de nids que possible pour voir s’ils étaient parasités ou non, et j’ai donc pensé qu’il disposait de données modernes sur la nidification.
L’écologiste évolutionniste Chris Whelan, de l’Université de l’Illinois à Chicago, a contribué à étoffer les résultats de l’étude grâce à des données sur la nidification des oiseaux chanteurs, recueillies dans la région de Chicago à partir de 1989. Avec son équipe, il a utilisé des miroirs montés sur de longues perches pour observer les nids en hauteur et noter les dates de ponte et d’éclosion sans déranger les animaux.
Dans l’ensemble, les données dont disposait l’équipe comprenaient des dates allant (approximativement) de 1880 à 1920, et d’autres allant de 1990 à 2015. Mason Fidino, écologiste quantitatif au zoo Lincoln Park de Chicago et coauteur de l’étude, a conçu des modèles informatiques pour analyser les données et comprendre ce qui se passait entre ces deux ensembles de données, en se basant sur des méthodes statistiques et sur les différences de méthodes d’échantillonnage entre les ensembles de données.
Selon Fidino :
En raison de cet échantillonnage inégal, nous avons dû partager un peu d’informations entre les espèces dans notre modèle statistique, ce qui peut aider à améliorer un peu les estimations pour les espèces rares. Nous avons tous réalisé assez rapidement que les données pouvaient contenir des valeurs aberrantes qui, si elles n’étaient pas prises en compte, pouvaient avoir une influence considérable sur les résultats. C’est pourquoi nous avons dû construire notre modèle de manière à réduire l’influence globale des valeurs aberrantes, si elles étaient présentes dans les données.
Passons maintenant aux résultats. Les auteurs indiquent que parmi les 72 espèces présentes dans les deux ensembles de données dans la région de Chicago, environ un tiers ont niché progressivement plus tôt. Parmi ces espèces, les premiers œufs ont été pondus 25,1 jours plus tôt en moyenne qu’il y a un siècle.
Leur hypothèse était que la hausse des températures moyennes était à l’origine de ce comportement de nidification précoce, mais les auteurs n’ont pas été en mesure d’obtenir des données de température cohérentes pour la région qui couvriraient l’ensemble des données antérieures. Ils ont donc utilisé les niveaux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère comme indicateur. Contrairement à la température, ces niveaux sont bien documentés par diverses sources, notamment les carottes de glace obtenues des glaciers, qui capturent et stockent l’air atmosphérique pratiquement indéfiniment.
L’équipe a constaté que les niveaux de CO2 dans l’atmosphère sont en bonne corrélation avec les changements dans les dates de ponte. Bien que les changements réels de température soient faibles, de l’ordre de quelques degrés, ils seraient suffisants pour provoquer la floraison des fleurs et l’émergence des insectes plus tôt, ce qui signifierait que la nourriture serait disponible plus tôt pour les oiseaux. De nombreuses espèces d’oiseaux se nourrissent d’insectes, dont le comportement saisonnier est fortement influencé par le climat, comme c’est le cas pour la majorité des espèces étudiées. À son tour, le comportement de ces insectes dicte le comportement des oiseaux.
Toujours selon Fidino :
Le changement climatique mondial n’a pas été linéaire sur cette période de près de 150 ans, et il est donc possible que les espèces n’aient pas avancé leur date de ponte (de manière non linéaire) également. C’est pourquoi nous avons inclus des tendances linéaires et non linéaires dans notre modèle. Nous avons constaté que les données simulées étaient très similaires aux données observées, ce qui indique que notre modèle a bien fonctionné.
Le décalage des jours de nidification pourrait indiquer que les oiseaux de cette région sont en concurrence pour la nourriture et les ressources selon des critères qu’ils n’avaient pas à respecter dans le passé, et qu’ils modifient leur saison de reproduction pour s’adapter à cette concurrence accrue. Ces résultats constituent également une mise en garde contre les dangers invisibles du changement climatique, qui exerce une forte pression sur la faune.
L’étude publiée dans le Journal of Animal Ecology : Climate change affects bird nesting phenology: Comparing contemporary field and historical museum nesting records et présentée sur le site du Field Museum of Natural History : Birds are laying their eggs earlier, and climate change is to blame.