Des déserts apparemment sans vie respirent de l’air humide
Les paysages désertiques ne sont pas aussi dénués de vie qu’il n’y paraît. Les vastes mers de dunes de sable peuvent non seulement croître, se déplacer et interagir les unes avec les autres, mais une étude récente suggère qu’elles peuvent également « respirer ».
À l’aide d’une sonde ultrasensible dont l’invention a pris des décennies, les chercheurs ont montré que les dunes de sable inhalent et exhalent régulièrement de minuscules quantités de vapeur d’eau.
Les inspirations sont plus difficiles à réaliser lorsque le sable est plus sec. Mais lorsque le vent passe sur la surface d’une dune, il emporte la couche supérieure, créant un changement rapide de l’humidité et de la pression de surface. En conséquence, des « ondes évanescentes d’humidité » provenant de l’atmosphère supérieure s’écoulent vers le bas.
La sonde utilisée pour détecter ce flux est si sensible à l’humidité qu’elle peut capter de minuscules films d’eau sur un seul grain de sable. Lorsqu’elle a été plongée dans une dune du désert du Qatar, l’instrument a été capable d’analyser la température, le rayonnement et l’humidité de son environnement avec une résolution de l’ordre du millimètre en seulement 20 secondes.
Ces mesures ont été répétées toutes les 2,7 minutes pendant deux jours entiers, accumulant une énorme quantité de données. Les chercheurs ne connaissent aucun autre instrument capable de surveiller une dune de sable avec une résolution spatiale ou temporelle aussi élevée.
Michel Louge, professeur d’ingénierie mécanique et aérospatiale, photographié ici au Qatar en 2012, utilise des sondes capacitives pour étudier la teneur en humidité des dunes de sable depuis le début des années 2000. (Université Cornell)
En combinaison avec les données sur la vitesse et la direction du vent ainsi que sur la température et l’humidité ambiantes, les chercheurs ont révélé un comportement extrêmement subtil du sable dans le désert.
Contrairement à la chaleur, qui est conduite à travers chaque grain de sable, la vapeur d’eau semble pénétrer entre les grains. Les pores d’une dune de sable transportent donc l’humidité de la surface vers le bas, et ces voies se font et se défont au gré du vent.
Selon Michel Louge, ingénieur en mécanique de l’université Cornell (États-Unis) :
Le vent passe sur la dune et crée ainsi des déséquilibres dans la pression locale, ce qui oblige littéralement l’air à entrer dans le sable et à en sortir. Le sable respire donc, comme un organisme respire.
Cette « respiration » pourrait expliquer en partie ce qui permet aux microbes de vivre dans les dunes de sable, même en l’absence d’eau liquide.
Fait intéressant, à la surface de la dune, la sonde a mesuré une évaporation moindre que ce que les scientifiques avaient prévu. Pour une région aussi hyperaride, le phénomène de lessivage de l’humidité de la dune de sable vers l’atmosphère était un processus chimique relativement lent.
Toujours selon Louge :
C’est la première fois que des niveaux d’humidité aussi bas ont pu être mesurés.
La sensibilité de la nouvelle sonde est une prouesse technologique qui pourrait permettre aux scientifiques de mesurer avec plus de précision comment les terres agricoles se transforment en désert, un processus exacerbé par le changement climatique.
L’avenir de la Terre, si nous continuons ainsi, est un désert.
En savoir plus sur le fonctionnement des déserts pourrait donc être très utile. Et pas seulement pour mieux comprendre notre propre planète. Des sondes capables de mesurer avec précision l’humidité dans le sable pourraient aider les experts à trouver des signes invisibles d’eau sur Mars, par exemple.
L’étude publiée dans le Journal of Geophysical Research: Earth Surface : Water vapor transport across an arid sand surface – non-linear thermal coupling, wind-driven pore advection, subsurface waves, and exchange with the atmospheric boundary layer et présentée sur le site de l’Université Cornell : Deserts ‘breathe’ water vapor, study shows.