Une petite chauve-souris effectue un incroyable périple de 1 500 km entre la Russie et les Alpes françaises
On ne penserait pas qu’une minuscule chauve-souris pesant à peine plus de 10 gr soit l’un des plus formidables aviateurs de longue distance au monde, mais les apparences peuvent être trompeuses. Selon les chercheurs, une femelle pipistrelle de Nathusius a parcouru plus de 2 400 kilomètres depuis une réserve naturelle de Russie, relativement proche de Moscou, jusqu’à un village des Alpes françaises. Il s’agit de la plus longue distance parcourue par une chauve-souris jamais recensée, même si les scientifiques pensent que de telles migrations sont en fait habituelles pour cette espèce.
Image d’entête : chauve-souris pipistrelle de Nathusius. (S. Vincent)
La chauve-souris pipistrelle de Nathusius est originaire d’Europe, de la Russie à l’Espagne et des îles britanniques à la Sicile, et elle est facilement reconnaissable à sa fourrure brun-rouge et à sa petite taille. Ces chauves-souris passent généralement leurs étés à se reproduire et à élever leur progéniture dans le nord-est de l’Europe avant de migrer vers le sud-ouest, dans des plaines plus chaudes, où elles aiment hiberner pour l’hiver.
Comme elles vivent en surface, par exemple à l’intérieur de bâtiments ou d’arbres, les chauves-souris pipistrelles de Nathusius ont besoin de climats plus chauds que leurs homologues vivant dans des grottes. Parfois, cela implique de parcourir de grandes distances.
En 2017, des chercheurs ont suivi un individu de la même espèce qui a volé sur 2 220 kilomètres de la Lettonie à l’Espagne. Maintenant, dans une nouvelle étude, des chercheurs ont montré que ces chauves-souris rusées peuvent voler beaucoup plus longtemps pour trouver un endroit où hiberner.
La découverte a été faite par hasard, lorsque Jean-François Desmet, écologiste animalier au sein du Groupe de Recherche et d’Information sur la Faune dans les Ecosystème de Montagne (G.R.I.F.E.M) en France, a trouvé pour la première fois une chauve-souris morte dans un village proche des Alpes françaises à l’automne 2009. En l’examinant, le chercheur français a été stupéfait de découvrir une bague de patte en aluminium sur laquelle était inscrit le mot « RUSSIE », ainsi qu’un numéro de série.
Il a cependant fallu des années avant que Desmet puisse retrouver les personnes qui avaient marqué la chauve-souris. Il est finalement entré en contact avec Denis Vasenkov, un scientifique de l’Académie des sciences de Russie qui fut le premier à marquer la chauve-souris dans la réserve naturelle de biosphère Darwin, en Russie.
Bien qu’il n’y ait pas de GPS, les chercheurs estiment que la chauve-souris a dû parcourir 2 400 kilomètres, s’arrêtant en chemin pour chercher des insectes et se reposer. Cependant, le voyage a dû être beaucoup plus long que la ligne droite tracée entre le lieu de marquage initial et le site des Alpes françaises où la chauve-souris a été trouvée, peut-être jusqu’à 3 000 kilomètres.
A partir de l’étude : le périple de la pipistrelle de Nathusius de Borok en Russie, à Lully en France. (Jean-François Desmet et col./ Mammalia)
D’autres chauves-souris pourraient être allées encore plus loin. Si les pipistrelles de Nathusius atteignent l’Espagne depuis les pays baltes ou même la Russie, ce nouveau record pourrait ne pas durer longtemps, surtout si l’on considère les effets du changement climatique.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Nous ne savons pas pourquoi la femelle P. nathusii d’un an a utilisé un itinéraire de migration aussi long et apparemment « sous-optimal ». Peut-être s’agit-il d’un écart par rapport aux itinéraires de migration courants de cette espèce, ou peut-être est-ce plus courant que nous ne le pensons. Il est possible que les chauves-souris migrent sur la quasi-totalité de l’aire de répartition. L’aire de répartition de la pipistrelle de Nathusius atteint l’Oural dans l’est, et il s’avère que dans ce cas, les chauves-souris peuvent migrer sur la majeure partie de l’Europe.
L’étude publiée dans la revue Mammalia : Bats can migrate farther than it was previously known: a new longest migration record by Nathusius’ pipistrelle Pipistrellus nathusii (Chiroptera: Vespertilionidae).