L’ancien et gigantesque requin Mégalodon a peut-être été supplanté par le grand requin blanc
Une équipe dirigée par Jeremy McCormack, de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive (Allemagne), a trouvé des preuves que la concurrence avec les grands requins blancs aurait contribué à l’extinction du mégalodon, le plus grand requin ayant existé.
Image d’entête : représentation artistique du C. megalodon prêt à grignoter une petite baleine. (Alberto Gennari)
Vivant dans les océans de la planète entière il y a 23 à 3,6 millions d’années, l’Otodus megalodon et d’autres Requins aux grandes dents pouvaient atteindre 20 m de long et peser jusqu’à 103 tonnes, ce qui en faisait sans doute les plus puissants prédateurs de tous les temps. En revanche, le célèbre grand requin blanc n’atteint que 6 m de long et pèse environ 2 268 kg, mais des études récentes sur les isotopes du zinc dans les dents des grands requins blancs modernes et fossiles et des mégalodons fossiles ont permis de mieux connaître le régime alimentaire de ces anciens requins, qui s’attaquaient tous à des proies très similaires.
L’analyse isotopique est un outil très puissant pour comprendre le régime alimentaire, car les différences dans les rapports entre les isotopes d’un élément ou d’un autre permettent de remonter aux sources des aliments consommés par un animal, à la nature de son régime et à sa place dans la chaîne alimentaire. Cela permet non seulement aux scientifiques de déduire des faits sur le mode de vie de l’animal, mais aussi de faire la lumière sur des mystères tels que le rôle joué par le régime alimentaire et la concurrence des proies dans le gigantisme et l’extinction du mégalodon.
Habituellement, les chercheurs s’intéressent aux isotopes présents dans la matière organique, notamment aux isotopes de l’azote dans les protéines présentes dans les os. Le problème est que les requins font partie de l’ancien ordre des poissons cartilagineux qui se sont séparés des poissons osseux au cours de l’évolution il y a des centaines de millions d’années. Par conséquent, les requins ont très peu de matière osseuse dans leur corps.
C’est le cas du mégalodon. Bien qu’il soit devenu très connu au cours des cinquante dernières années et qu’il ait joué dans un certain nombre de films (et d’autres à venir), les seules preuves de son existence sont des dents et quelques fragments de vertèbres. Pire encore, ces fossiles sont vieux de plusieurs millions d’années, de sorte que toute matière organique a été remplacée depuis longtemps par des minéraux ou s’est dégradée au point de ne pouvoir être analysée.
Pour en savoir plus sur le mégalodon, l’équipe de l’institut Max Planck a rassemblé des échantillons isotopiques de dents de requins modernes et fossiles provenant de divers endroits du globe. Elle s’est concentrée sur l’émail, qui est la partie hautement minéralisée des dents et qui sert de substitut au collagène que l’on trouve dans la dentine des dents vivantes pour les besoins de l’échantillonnage.
Comparaison de la taille d’une dent d’Otodus megalodon du Pliocène inférieur et d’un grand requin blanc moderne. (Institut Max Planck d’anthropologie évolutive)
En examinant des dents de requin du Miocène inférieur (il y a 20,4 à 16 millions d’années) et du Pliocène inférieur (il y a 5,3 à 3,6 millions d’années), puis en les comparant aux requins modernes, l’équipe a constaté que les mesures isotopiques du zinc modernes et anciens étaient presque identiques, ce qui suggère un haut niveau de fiabilité.
Ils ont également constaté que, comme le grand blanc, le mégalodon se trouvait au sommet de la chaîne alimentaire et mangeait les mêmes proies que le grand blanc.
Selon Michael Griffiths, professeur à l’université William Paterson
Nos résultats montrent que le mégalodon et son ancêtre étaient effectivement des prédateurs apicaux, se nourrissant en haut de leur chaîne alimentaire respective. Mais ce qui était vraiment remarquable, c’est que les valeurs isotopiques du zinc provenant de dents de requin du Pliocène infèrieur de Caroline du Nord, suggèrent un chevauchement important des niveaux trophiques des premiers grands requins blancs avec le megalodon, beaucoup plus grand.
En d’autres termes, il est possible que les grands requins blancs aient été en compétition avec les mégalodons pour la nourriture, ce qui pourrait avoir contribué au déclin de ces derniers au Pliocène infèrieur. La nature exacte de cette concurrence n’est pas claire. On peut également se demander quelle était son intensité, car les deux espèces ont pu se nourrir sur les mêmes terrains à des saisons différentes. Toutefois, l’étude montre que la technique du zinc est un outil prometteur.
Selon McCormack :
Notre recherche illustre la faisabilité de l’utilisation des isotopes du zinc pour étudier le régime alimentaire et l’écologie trophique d’animaux disparus sur des millions d’années, une méthode qui peut également être appliquée à d’autres groupes d’animaux fossiles, y compris nos propres ancêtres.
L’étude publiée dans Nature Communications : Trophic position of Otodus megalodon and great white sharks through time revealed by zinc isotopes et présentée sur le site de l’Institut Max Planck : Great white sharks may have contributed to megalodon extinction.