Pourquoi les hommes courent-ils un risque plus élevé que les femmes de développer la plupart des types de cancer ?
Ce n’est pas un secret pour les oncologues que les hommes sont beaucoup plus enclins à développer un cancer que les femmes. Environ un homme sur deux développera une forme de cancer au cours de sa vie, contre une femme sur trois. Pendant de nombreuses années, les médecins pensaient que c’était simplement dû au fait que « les hommes seront des hommes », c’est-à-dire qu’ils sont plus susceptibles de s’engager dans des choix de vie risqués, comme boire et fumer, et qu’ils sont plus susceptibles de rencontrer des substances cancérigènes en raison de leur profession, comme dans le travail en usine.
Illustration d’entête par Stuart Bradford/ Harvard Mag.
Toutefois, les choix de mode de vie ne suffisent pas à expliquer cet écart, qui persiste même lorsque tous les facteurs autres que le sexe sont pris en compte. Même les spécialistes du cancer pédiatrique ont noté un biais masculin similaire chez les bébés et les très jeunes enfants atteints de leucémie.
Des études plus récentes suggèrent que cette “affinité” masculine pour le cancer est intrinsèque. Une nouvelle étude publiée cette semaine (lien plus bas) donne plus de poids à cette hypothèse. Elle révèle que les hommes avaient près de 11 fois plus de risques de développer un cancer de l’œsophage, ainsi que 3,5 fois plus de risques de cancer du larynx, de l’estomac et de la vessie que les femmes, même après ajustement pour un large éventail de comportements à risque et d’exposition à des substances cancérigènes connues.
Il s’agit d’une vaste étude, qui portait sur plus de 170 000 hommes et 122 000 femmes adultes âgés de 50 à 71 ans ayant participé à l’étude NIH-AARP Diet and Health de 1995 à 2011. Les chercheurs dirigés par Sarah S. Jackson, de l’Institut national du cancer (NIH/ Etats-Unis), ont évalué le risque de 21 types de cancer différents et ils ont constaté que, pendant cette période, 17 951 nouveaux cancers sont apparus chez les hommes et 8 742 chez les femmes.
Selon le Dr Jackson :
Nos résultats montrent qu’il existe des différences dans l’incidence du cancer qui ne s’expliquent pas uniquement par les expositions environnementales. Cela suggère qu’il existe des différences biologiques intrinsèques entre les hommes et les femmes qui affectent la susceptibilité au cancer.
Bien que l’étude soit purement observationnelle et que ses résultats ne permettent pas de déterminer les relations de cause à effet, les auteurs notent que les différences biologiques innées entre les sexes doivent jouer un rôle important dans la susceptibilité au cancer des hommes par rapport aux femmes et tout cela pourrait être ancré dans certaines différences génétiques inhérentes.
En 2017, des chercheurs de Harvard et du MIT ont passé au peigne fin les données de séquençage génétique de plus de 4 000 tumeurs dans 21 cancers différents, mais pas les cancers de la prostate et des ovaires, qui sont spécifiques au sexe. Leurs résultats furent étonnants, montrant que sur les quelque 800 gènes actifs sur le chromosome X, six d’entre eux mutaient plus fréquemment chez les hommes que chez les femmes. Les femmes ont deux chromosomes X, alors que les hommes ont un chromosome X et un chromosome Y, ce qui les rend potentiellement plus sensibles au cancer parce qu’il leur manque deux copies de chaque gène suppresseur de tumeur.
Il ne s’agit cependant que d’une piste. Il existe probablement de nombreux facteurs interdépendants qui s’additionnent pour produire l’effet observé. Pour rendre les choses encore plus complexes, les médecins ont remarqué une tendance alarmante selon laquelle les taux de cancer diminuent régulièrement chez les hommes mais pas chez les femmes. Selon un rapport de 2017, les femmes britanniques devraient connaître une augmentation des taux de cancer jusqu’à six fois plus rapide que celle des hommes, bien que ces derniers soient toujours beaucoup plus nombreux à être atteints de cancer que les femmes. Mais l’écart se réduit, en grande partie en raison d’une augmentation des cancers de l’utérus et du sein attribuée à une hausse de l’obésité, ainsi qu’à une augmentation du taux de consommation d’alcool et de tabac chez les femmes depuis le milieu du XXe siècle.
Indépendamment de ce qui explique exactement ce biais masculin en matière de cancer, le fait est que les hommes sont beaucoup plus susceptibles d’avoir un cancer que les femmes. En tant que telles, ces disparités entre les sexes doivent être correctement prises en compte dans la pratique clinique, tant pour la prévention que pour le traitement. Par exemple, étant donné qu’ils ont une susceptibilité accrue au cancer, les hommes ont d’autant plus de raisons de ne pas boire et de ne pas fumer, et devraient se soumettre plus souvent à un dépistage du cancer.
L’étude publiée dans la revue Cancer : Sex disparities in the incidence of 21 cancer types: Quantification of the contribution of risk factors.