Règle de la nature ? Dans les Andes, des souris deviennent plus grosses sur le versant le plus humide des montagnes
Les souris hirsutes à poils doux (Abrothrix hirta) sont plus grandes sur les versants Ouest des montagnes que sur les versants Est. Aussi bizarre que cela puisse paraître, les chercheurs pensent en connaître la raison et c’est à cause de la pluie. Les chercheurs ont découvert que le côté ouest de la montagne reçoit davantage de pluie, ce qui signifie qu’il y a plus de nourriture pour les souris, un phénomène appelé l’effet d’ombre pluviométrique.
Image d’entête : la souris Abrothrix hirta. (Pablo Teta)
Des chercheurs du Field Museum de Chicago aux Etats-Unis ont étudié le crâne de 450 de ces souris et ils ont constaté que celles qui vivaient sur le versant ouest des montagnes étaient systématiquement plus grosses, bien qu’elles soient génétiquement identiques à celles qui vivaient à l’est. Ils ont établi un lien entre ce phénomène et l’association de pluie et de nourriture et suggèrent que ce phénomène pourrait être reproduit chez d’autres animaux et espèces.
Selon Noé de la Sancha, auteur de l’étude et chercheur au Field Museum de Chicago :
Il existe un tas de règles écogéographiques que les scientifiques utilisent pour expliquer les tendances que nous observons encore et encore dans la nature. Avec cette étude, je pense que nous en avons peut-être trouvé une nouvelle : l’effet d’ombre pluviométrique peut provoquer des changements de taille et de forme chez les mammifères.
Pablo Teta, chercheur au Museo Argentino de Ciencias Naturales de Buenos Aires, en Argentine, a commencé à étudier les souris hirsute à poil doux et dans le cadre de sa thèse de doctorat. Il a constaté que certains individus de l’espèce étaient très grands et d’autres vraiment petits. Au début, il pensait qu’il s’agissait d’espèces différentes, mais l’analyse de l’ADN a montré qu’il s’agissait bien des mêmes.
Il existe de nombreuses « règles » de la nature qui expliquent les tendances que nous observons dans la vie. Par exemple, la règle de Bergman explique pourquoi les animaux d’une même espèce sont plus grands sous les hautes latitudes. Le cerf de Virginie du Canada, par exemple, est plus grand que ses cousins de Floride, et ce parce qu’un corps plus épais par rapport à sa surface permet de mieux retenir la chaleur. Cette nouvelle découverte pourrait bien ouvrir la voie à une nouvelle règle.
Les chercheurs ont utilisé des analyses statistiques pour comparer les mesures de 450 crânes de souris, en cherchant à trouver un modèle pour expliquer les différences de taille. Ils ont ensuite essayé de faire correspondre leurs résultats à différentes règles biologiques, mais cela n’a mené nulle part. Il n’y avait tout simplement pas de lien étroit entre la taille de la souris et la distance à laquelle le spécimen vivait au nord ou au sud, par exemple.
En revanche, la longitude, c’est-à-dire la distance à laquelle les souris vivaient à l’est ou à l’ouest, était liée à un modèle. Les chercheurs pensent que cela pourrait être lié à la « règle des ressources ». Selon cette règle, les individus d’une même espèce ont tendance à être plus grands là où il y a plus de ressources que là où il y en a moins. La taille des souris dans les Andes semblait suivre cette règle.
Cependant, il restait la question ouverte de savoir pourquoi il y avait plus de ressources sur le versant ouest des Andes que sur le versant est. C’est là qu’intervient l’effet d’ombre pluviométrique, qui résulte de la façon dont la vapeur d’eau se déplace au-dessus des chaînes de montagnes. L’air humide qui s’élève d’un côté d’une montagne perd progressivement son humidité, laissant l’autre côté dans « l’ombre » de la pluie.
A partir de l’étude : comment l’ombre pluviométrique affecte les souris. (Teta et col./ journal of Biogeography)
L’effet d’ombre pluviométrique correspondait parfaitement à la taille des rongeurs. Les chercheurs ont affirmé que c’était la première fois que quelqu’un prouvait ses effets sur les mammifères. Bien que cette découverte soit passionnante pour eux, elle n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour les souris, qui vont être confrontées à une situation difficile en raison du changement climatique prévu dans la cordillère des Andes.
Selon Noé de la Sancha :
Avec le changement climatique, nous savons que nous allons voir des modifications spectaculaires de la température tout au long de l’année, et des changements dans les précipitations. Bien qu’il ne s’agisse peut-être pas des plus importantes variables les affectant le bien-être de la souris, elles sont importantes pour déterminer les sources de nourriture disponibles.
L’étude publiée dans le journal of Biogeography : Andean rain shadow effect drives phenotypic variation in a widely distributed Austral rodent et présentée sur le site du Field Museum : These mice grow bigger on the rainier sides of mountains. It might be a new rule of nature.