Quelle est l’influence des champignons qui se cachent dans les cancers humains ?
Depuis des années, il est de plus en plus évident que les bactéries sont liées au cancer, et qu’elles jouent même parfois un rôle important dans sa progression. Aujourd’hui, des chercheurs ont découvert un lien similaire avec un autre type de micro-organisme : les champignons.
Image d’entête : culture de levure candida. (William Kaplan/ CDC)
Deux études menées cette semaine ont mis en évidence la présence unique d’espèces de champignons vivant à l’intérieur de tumeurs. Il est possible qu’ils puissent même influencer la façon dont les cancers se développent ou parviennent à contrer certains traitements.
Depuis le XIXe siècle, les scientifiques savent que des bactéries et d’autres organismes microscopiques vivent régulièrement sur ou dans notre corps, généralement sans nous rendre gravement malades. Mais ce n’est qu’au cours des dernières décennies que la valeur de ces communautés microbiennes, ou microbiomes, pour notre bien-être et notre santé a commencé à être reconnue. Et ce n’est que plus récemment que nous avons commencé à étudier de près les microbiomes présents dans les cancers.
La plupart des premières recherches sur les microbiomes du cancer se sont concentrées sur les bactéries. Mais bien que les champignons soient moins abondants dans le corps humain, on pense qu’ils jouent un rôle essentiel dans la façon dont les microbiomes influencent notre santé. Ces nouvelles études, toutes deux publiées cette semaine (liens plus bas), sont parmi les premières à tenter de créer une carte approximative du microbiome fongique présent dans nos cancers.
L’une de ces études impliquait des chercheurs de la faculté de médecine de l’Université de Californie-San Diego ainsi que de l’Institut Weizmann des sciences en Israël. En examinant plus de 17 000 échantillons de sang et de tissus prélevés sur des patients atteints de cancer, ils ont pu trouver de faibles quantités de champignons dans 35 types de cancer différents.
Selon l’auteur de l’étude, Rob Knight, chercheur et professeur à l’UC San Diego :
L’existence de champignons dans la plupart des cancers humains est à la fois surprenante et prévisible. Elle est surprenante, car nous ne savons pas comment les champignons pourraient s’introduire dans les tumeurs à travers le corps. Mais elle est également attendue, car elle correspond au modèle des microbiomes sains dans tout le corps, y compris l’intestin, la bouche et la peau, où les bactéries et les champignons interagissent dans le cadre d’une communauté complexe.
Dans les différents types de cancer, les microbiomes présentaient différents types d’espèces de champignons, mais Knight et son équipe ont remarqué certaines caractéristiques communes. Ces champignons semblaient généralement être intracellulaires, ce qui signifie qu’ils vivent à l’intérieur des cellules cancéreuses. Ils ont également trouvé des preuves que les champignons et les bactéries présents dans ces cancers interagissent couramment les uns avec les autres, et rarement de manière compétitive. Mais surtout, l’équipe a trouvé des associations entre ces microbiomes fongiques et certains aspects du cancer lui-même, comme sa réponse aux traitements d’immunothérapie.
L’autre étude a été menée par des chercheurs des universités Duke et Cornell (États-Unis). Cette équipe a également trouvé de nombreux champignons nichés dans les cancers humains, certains étant plus susceptibles d’abriter ce type de champignons que d’autres. Dans les tumeurs du cancer du poumon, par exemple, les champignons Blastomyces étaient plus fréquemment trouvés, tandis que les champignons Candida étaient plus fréquents dans les cancers gastro-intestinaux. La présence de ces champignons en particulier était également liée à une moindre chance de survie pour les patients atteints de ces cancers.
À ce stade, ces résultats montrent seulement une corrélation entre le microbiome fongique et les conséquences du cancer, et non une relation directe de cause à effet. Et si le microbiome, en général, est important pour la santé humaine, nous n’en sommes encore qu’au tout début de l’étude de la manière exacte dont il nous affecte, et encore moins de la manière de réparer un microbiome devenu nocif. Mais ces recherches permettront aux scientifiques de mieux comprendre la biologie complexe du cancer et, peut-être un jour, de créer de meilleurs traitements contre cette maladie.
L’étude publiée dans la revue Cell : Pan-cancer analyses reveal cancer-type-specific fungal ecologies and bacteriome interactions et présentée sur le site de l’Institut Weizmann des sciences : Human Tumors Are Prized Real Estate for Fungi, Study Finds.