Des oisillons reconnaissent le "dialecte" du chant de leur espèce locale
Comme un enfant qui apprend à parler une langue, les jeunes oiseaux chanteurs doivent aussi apprendre leur chant en écoutant d’abord leurs parents et d’autres adultes de la même espèce.
Image d’entête : une femelle gobemouche noir. (Juan Emilio/ Wikimedia)
Comme pour les humains, ce processus d’apprentissage entraîne de légères modifications d’une génération à l’autre, ce qui conduit à des différences caractéristiques dans le chant parmi des populations géographiquement distinctes de la même espèce. Ces différences sont appelées dialectes de chant.
Une nouvelle étude (lien plus bas) a révélé que les jeunes Gobemouches noirs (Ficedula hypoleuca), âgés d’à peine 12 jours, réagissent de manière préférentielle aux chants de leur propre dialecte, par rapport aux chants d’une autre espèce et même de différentes populations de leur propre espèce.
En diffusant des chants à près de 2 000 oisillons et en observant leurs réactions, les chercheurs ont pu montrer que les jeunes Gobemouches réagissent aux chants plus proches de ceux de leur propre dialecte, en quémandant de la nourriture.
Pour l’auteur principal de l’étude, David Wheatcroft, professeur associé au département de zoologie de l’université de Stockholm, en Suède :
Ces résultats établissent que les oiseaux sont « accordés » dès leur plus jeune âge pour reconnaître les chants de leur propre population, ce qui concentre l’apprentissage ultérieur.
Le chant du gobemouche noir est produit par les mâles et joue un rôle important dans le choix de la femelle. Il coexiste avec le gobemouche à collier (Ficedula albicollis), qui lui est étroitement apparenté, mais il arrive qu’ils se croisent et produisent une progéniture infertile.
Un gobemouche à collier mâle adulte. (Andrej Chudý)
Les chercheurs ont analysé les chants de 168 individus mâles de gobemouches noirs et de gobemouches à collier afin de comprendre la variation des chants et ils ont découvert que les chants des gobemouches noirs de sept populations européennes forment des dialectes clairement définis. Ils ont constaté que les jeunes gobemouches noirs pouvaient discriminer le chant des gobemouches à collier, même si les deux espèces ne coexistaient pas dans la même zone.
Résumé graphique de l’étude. (David Wheatcroft et col./ Currengt Biology)
Selon les chercheurs :
Nous avons montré que les interactions avec les gobemouches à collier en particulier ne sont pas nécessaires à l’émergence de la discrimination contre leurs chants.
La réponse spécifique au dialecte peut contribuer à empêcher les gobemouches à collier d’apprendre les chants d’espèces étroitement apparentées, et favorise probablement une barrière reproductive avant l’accouplement entre le gobemouche à collier et le gobemouche noir.
Comment font-ils cela ? Selon Mme Wheatcroft, il se pourrait que les oisillons reconnaissent leur propre dialecte de manière innée, précisant que :
Si les différences dans les réponses précoces au chant entre les populations sont vraiment innées, cela suggérerait une co-évolution remarquable entre un trait culturel et les gènes qui le sous-tendent.
On pense que le fait de chanter le dialecte local aide les adultes à attirer les partenaires appropriés.
L’étude publiée dans Currengt Biology : Species-specific song responses emerge as a by-product of tuning to the local dialect et présentée sur le site de l’Université de Stockholm : Nestling birds recognize their local song ‘dialect’.