Au cœur du mécanisme neuronal des nausées
Lorsque nous mangeons des aliments contaminés par des bactéries potentiellement dangereuses, les vomissements sont un moyen essentiel pour l’organisme d’expulser les toxines. Afin d’étudier de plus près le processus de l’ingestion au vomissement, une équipe de chercheurs a suivi un processus similaire chez la souris, de son intestin à son cerveau.
Image d’entête : un homme ivre a des nausées, tandis qu’un jeune esclave lui tient le front. (Peintre Brygos, 500-470 av. J.-C./ Musée national du Danemark/ Stefano Bolognini)
Étrangement, les souris ne vomissent pas, par rapport à leur taille, leur œsophage est trop long et leur force musculaire trop faible. Elles ont cependant des haut-le-cœur/ nausées, ce qui est un signe suffisant pour examiner les signaux biologiques à l’origine d’une intoxication alimentaire.
Selon le neurobiologiste Peng Cao, de l’Institut national des sciences biologiques de Pékin :
Le mécanisme neuronal des haut-le-coeur est similaire à celui des vomissements. Dans cette expérience, nous avons réussi à établir un modèle d’étude des vomissements induits par les toxines chez les souris, grâce auquel nous pouvons examiner les réponses défensives du cerveau aux toxines aux niveaux moléculaire et cellulaire.
Après avoir administré à des souris un échantillon de l’entérotoxine bactérienne Staphylococcal Enterotoxin A (SEA), produite par le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus) et à l’origine de maladies d’origine alimentaire chez les humains, les chercheurs ont observé une ouverture inhabituelle de la bouche chez les animaux, ainsi que des contractions du diaphragme et des muscles abdominaux (ce que l’on observe également chez les chiens lorsqu’ils vomissent).
Grâce à un processus de marquage fluorescent, il a été démontré que, dans l’intestin, l’entérotoxine SEA activait la libération du neurotransmetteur sérotonine. Celle-ci déclenche alors un processus chimique qui envoie un message le long du nerf vague, le principal connecteur entre l’intestin et le cerveau, à des cellules spécifiques appelées neurones Tac1+DVC dans le tronc cérébral.
Lorsque les chercheurs ont désactivé artificiellement les neurones Tac1+DVC, les nausées ont diminué. Le même phénomène s’est produit avec les nausées induites par la doxorubicine, un médicament de chimiothérapie courant : lorsque les neurones Tac1+DVC ont été désactivés ou que la production de sérotonine a été arrêtée, les souris ont eu beaucoup moins de nausées par rapport à un groupe témoin.
Selon Cao :
Grâce à cette étude, nous pouvons désormais mieux comprendre les mécanismes moléculaires et cellulaires des nausées et des vomissements, ce qui nous aidera à mettre au point de meilleurs médicaments.
Les chercheurs ont découvert que les tissus intestinaux constitués de cellules dites entérochromaffines sont responsables de la libération de sérotonine dans l’intestin. De futures études pourraient examiner comment les toxines interagissent avec ces cellules en particulier pour déclencher le processus des vomissements.
La carte détaillée résultant de l’étude pourrait nous en apprendre davantage tant sur les intoxications alimentaires que sur la chimiothérapie. Les résultats suggèrent que le corps produit des réponses défensives similaires à ces deux types d’intoxication, bien que d’autres études sur l’humain soient nécessaires pour déterminer la pertinence des résultats pour notre propre biologie.
Au final, la recherche pourrait ouvrir la voie à de meilleurs médicaments anti-nauséeux pour les personnes qui suivent une chimiothérapie, ce qui permettrait aux médicaments prescrits de combattre le cancer avec moins d’effets secondaires désagréables.
Toujours selon Cao :
En plus des germes d’origine alimentaire, les humains rencontrent de nombreux agents pathogènes, et notre corps est équipé de mécanismes similaires pour expulser ces substances toxiques. Par exemple, la toux est la tentative de notre corps d’éliminer le coronavirus. C’est un domaine de recherche nouveau et passionnant sur la façon dont le cerveau détecte l’existence d’agents pathogènes et déclenche des réactions pour s’en débarrasser.
L’étude publiée dans Cell : The gut-to-brain axis for toxin-induced defensive responses et présentée sur le site de l’Institut national des sciences biologiques de Pékin : Scientists map the neural pathways for vomiting after eating infected food.