Certains dinosaures pouvait-ils créer un bang supersonique avec leur queue ?
Un groupe de paléontologues et d’ingénieurs de l’aérospatiale a mené une étude, qui vient d’être publiée, afin de déterminer si les sauropodes à long cou, un type de dinosaure, pouvaient fouetter leur queue assez rapidement pour produire un petit bang supersonique, semblable au claquement d’un fouet.
De précédentes recherches avaient suggéré que ces dinosaures en étaient capables, si leur queue était dotée d’une structure en forme de fouet ajoutant de la longueur. Si cela était vrai, ces dinosaures herbivores auraient pu utiliser leur queue pour se défendre contre les prédateurs ou les voisins trop curieux. Mais d’autres paléontologues n’en étaient pas si sûrs.
Image d’entête : représentation d’un Brontosaurus avec un éléphant pour l’échelle. (Emanuel-April/ Encyclopædia Britannica)
De nombreuses théories ont été avancées pour expliquer pourquoi les dinosaures diplodocidés, un groupe de sauropodes comprenant le Brontosaurus, avaient des queues aussi longues et fines. Elles auraient pu faire office d’arme défensive, bien sûr. Mais les diplodocidés ont peut-être utilisé leur queue pour faire du bruit, pour faire contrepoids à leur long cou, pour sonder le sol autour d’eux ou comme une « troisième jambe » pour se stabiliser comme un kangourou qui se cabre. La famille des diplodocidés compte certaines des plus longues créatures à avoir foulé la Terre. Il n’est donc pas étonnant que la forme de leur corps soit une curiosité, tant pour les ingénieurs que pour les paléontologues.
Aucune queue complète de diplodocidé n’a été trouvée jusqu’à présent, c’est pourquoi les chercheurs à l’origine de cette dernière étude, dirigée par la paléontologue Simone Conti de l’université NOVA près de Lisbonne, au Portugal, ont rassemblé ce qui était connu de cinq dinosaures diplodocidés fossilisés. Ils ont ajouté à leurs modèles les propriétés matérielles des tissus mous tels que la peau, les tendons et les ligaments, en plus de modéliser les quelque 80 vertèbres que les diplodocidés possèdent dans leur seule queue. À titre de comparaison, les humains n’ont que 33 vertèbres, du haut en bas de la colonne vertébrale.
La morphologie des tissus mous internes des queues des sauropodes reste une grande inconnue, car seules les empreintes de peau et les os sont conservés dans les archives fossiles. Conti et ses collègues ont donc déduit la composition des tissus mous de la queue à partir de la structure osseuse. Ils ont également estimé l’épaisseur de la peau en se basant sur la peau de crocodile, en modélisant la contrainte mécanique que ces tissus mous pouvaient supporter lorsque la queue se balançait d’avant en arrière. Dans les modèles informatiques, le lourd appendice attaché à une base osseuse inamovible pesait 1 446 kilogrammes et mesurait 12 mètres de long.
Cela semble probant, mais dans une certaine mesure seulement. La peau est un organe complexe constitué de fibres de collagène qui lui confèrent son élasticité, mais elle devient « presque complètement fragile » lorsqu’elle est soumise à une forte tension, expliquent Conti et ses collègues dans leur étude. En simulant les propriétés mécaniques des tissus mous et le mouvement de rotation de la queue, ils ont constaté que celles des diplodocidés étaient « plus rigides qu’on ne le pensait, les tendons et la musculature jouant un rôle important pour éviter la désarticulation des vertèbres une fois la queue mise en mouvement ».
A partir de l’étude : vidéo de la simulation informatique, montrant le mouvement de la queue résultant de la sollicitation initiale appliquée aux huit premiers éléments. (Simone Conti et col./ Scientific Reports)
Mais la queue simulée n’a pas franchi le mur du son en raison de la friction des muscles de la queue et des vertèbres, et de la traînée aérodynamique. Et si elle l’avait fait, elle se serait cassée. À son extrémité, la queue se déplaçait à une vitesse d’environ 30 mètres par seconde ou 100 kilomètres par heure, soit 10 fois moins que la vitesse du son (340 mètres par seconde) et pas assez vite pour créer un bang supersonique.
Une queue mince, en forme de fouet, ne pouvait pas résister au stress d’un déplacement à la vitesse du son sans se briser, qu’elle soit constituée de filaments de kératine tressés, comme chez d’autres taxons de dinosaures, de trois segments de peau et de kératine, ou d’une masse charnue en forme de fléau.
Selon Conti et ses collègues :
Même si la hanche augmentait considérablement le mouvement de la queue, notre estimation de la résistance des tissus mous ne permettrait pas de soutenir le mouvement supersonique des queues de dinosaures.
A partir de l’étude : la vitesse de l’extrémité de la queue simulée lorsqu’elle se déplace. (Simone Conti et col./ Scientific Reports)
Toutefois, comme le soulignent les chercheurs, cela n’exclut pas la possibilité que les diplodocidés aient pu utiliser leur queue pour porter des coups défensifs ou engager des combats entre espèces.
Conti et ses collègues ont calculé la force d’impact de l’extrémité de la queue se déplaçant à une vitesse d’environ 30 mètres par seconde et ils ont constaté qu’elle serait équivalente à la pression exercée par une balle de golf se déplaçant à 315 kilomètres par heure. Boum supersonique ou pas, ça doit faire mal.
Selon les chercheurs :
Une telle pression ne permettrait pas de briser des os ou de lacérer des peaux, mais donnerait un coup sensible.
L’étude publiée dans Scientific Reports : Multibody analysis and soft tissue strength refute supersonic dinosaur tail.