Les fourmis sont capables de repérer un cancer dans les odeurs de l’urine
Un jour, les fourmis pourraient contribuer à sauver des vies en agissant comme des bio-détecteurs à faibles coûts. Leur puissant sens de l’odorat leur permet de distinguer de subtiles différences moléculaires dans des échantillons biologiques qui, autrement, nécessiteraient un équipement coûteux pour être détectées.
Image d’entête : fourmi Formica fusca dans une boite de Petri. (Paul Devienne, Laboratoire d’éthologie expérimentale et comparée de l’Université Sorbonne Paris Nord)
Une nouvelle étude de faisabilité (lien plus bas) vient de démontrer que cette compétence pourrait être exploitée pour détecter des cancers dans des échantillons d’urine, du moins chez les souris de laboratoire.
Selon Baptiste Piqueret, éthologue à l’Université de la Sorbonne (Laboratoire d’Ethologie Expérimentale et Comparée), et ses collègues dans leur étude :
Les fourmis ont le potentiel pour devenir un outil rapide, efficace, peu coûteux et non invasif pour la détection des tumeurs humaines.
Le cancer reste la principale cause de décès dans le monde, avec plus de 19 millions de cas en 2020. Plus le cancer est détecté tôt, plus les chances de guérison des patients sont élevées, mais les méthodes de détection actuelles sont invasives ou coûteuses, ce qui peut dissuader les patients de se soumettre à un dépistage aussi précoce qu’ils le pourraient.
Les chercheurs se sont donc tournés vers les animaux, de la souris au chien, pour voir si ce processus pouvait être plus accessible. Piqueret et son équipe ont maintenant mis les fourmis à l’épreuve. Ils ont conditionné 35 fourmis européennes Formica fusca pour qu’elles associent l’urine de souris saines à une récompense en sucre et en eau, et 35 autres pour qu’elles associent l’odeur de l’urine de souris porteuses de tumeurs cancéreuses humaines.
Il n’a fallu que trois séances d’entraînement pour que les fourmis fassent la distinction entre les odeurs. Ces fourmis sont connues pour leur rapidité d’apprentissage et de mémorisation, elles peuvent être testées 9 fois sans récompense avant que leurs réponses ne commencent à s’estomper.
Une fourmi Formica fusca. (Paul Devienne, Laboratoire d’éthologie expérimentale et comparée de l’Université Sorbonne Paris Nord)
Dans leur précédente étude (lien CNRS), les chercheurs ont constaté que les fourmis pouvaient faire la distinction entre des échantillons de cellules saines et cancéreuses et différents types de cellules cancéreuses.
Une fois entraînées, les fourmis ont passé environ 20 % plus de temps que les autres à proximité de l’odeur visée, à la recherche de la récompense sucrée et, incidemment, en fournissant un signal clair et précis de la présence ou de l’absence de cancer du sein dans l’urine des souris. Et ce, malgré le fait que les biomarqueurs du cancer provenant de la tumeur humaine greffée aient été potentiellement altérés lors de leur passage dans le corps de la souris et mélangés à d’autres odeurs dans l’urine de la souris.
Une analyse chimique a confirmé que les molécules volatiles odorantes présentes dans l’urine des souris cancéreuses étaient effectivement différentes de celles des souris non cancéreuses. Qui plus est, plus la tumeur cancéreuse est grande, plus les odeurs sont différentes. Pourtant, les fourmis n’ont pas montré de différence dans leur capacité à détecter la présence de petites tumeurs par rapport aux grosses chez les souris. Elles ont pu flairer les petites et les grosses tumeurs des témoins sans cancer de la même manière.
Si ces résultats sont prometteurs, il reste encore du travail à faire avant toute utilisation potentielle en milieu clinique.
Selon les chercheurs :
L’une des limites de notre étude est que les odeurs que nous avons utilisées peuvent ne pas représenter la grande diversité des odeurs de cancer qui existent dans la nature. Dans une situation réelle, des facteurs confondants tels que l’âge, le régime alimentaire, la condition ou le stress peuvent contribuer à la variabilité interindividuelle des odeurs corporelles individuelles. Notre méthode doit faire l’objet de validations supplémentaires en utilisant différents types de tumeurs/cancer et, surtout, des échantillons d’origine humaine directe, avant d’être considérée comme un test de routine pour le dépistage du cancer.
L’étude publiée dans les Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences : Ants act as olfactory bio-detectors of tumours in patient-derived xenograft mice et annoncée sur le site du Laboratoire d’Ethologie Expérimentale et Comparée : Ants detect cancer cells through volatile organic compounds.