Ces chauves-souris utilisent leurs moustaches pour se nourrir à grande vitesse
Les chauves-souris Glossophage de Pallas (Glossophaga soricina) présentent le métabolisme le plus rapide de tous les mammifères et elles se nourrissent du nectar des fleurs en planant juste à côté à la manière d’un colibri. À l’aide de caméras infrarouges à haute vitesse, des chercheurs américains du Dartmouth College ont découvert que les moustaches de ces chauves-souris les aident à extraire le nectar des fleurs avec une grande dextérité, parfois en une demi-seconde seulement. Cette découverte révèle non seulement une information essentielle sur les chauves-souris, mais aussi sur la façon dont la flore et la faune peuvent évoluer de concert.
Image d’entête : une chauves-souris Glossophage de Pallas en vol. (Patricio Adriano da Rocha/ Universidade Federal da Paraíba, João Pessoa, Brésil)
Les Glossophages de Pallas vivent en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Elles se nourrissent en introduisant leur langue extra-longue dans les fleurs pour en récupérer le nectar. Pour les aider dans cette tâche, les animaux possèdent également de très longues moustaches disposées selon un motif spécifique sur leur museau, contrairement aux moustaches plus courtes et plus aléatoires des autres espèces de chauves-souris qui ne se nourrissent pas de nectar.
Selon Eran Amichai, auteur principal de l’étude et chercheur postdoctoral en sciences biologiques à Dartmouth qui étudie l’écholocation chez les chauves-souris :
Les moustaches des chauves-souris qui se nourrissent de nectar sont des organes sensoriels essentiels qui fournissent des informations de haute qualité avec lesquelles le cerveau collabore pour optimiser le vol stationnaire. C’est une jonction géniale entre la biologie sensorielle et la bio-kinématique, entre la forme et la fonction.
Pour en savoir plus sur ces animaux, leurs moustaches et la manière dont ils effectuent leurs impressionnantes routines d’alimentation aérienne, les chercheurs du Dartmouth ont installé une série de « fleurs » en verre soufflé, remplies de nectar. Ils ont ensuite lâché les chauves-souris et ils ont utilisé des caméras infrarouges à haute vitesse afin de filmer et de photographier les créatures en train de se nourrir. Ensuite, les chercheurs ont coupé les moustaches de certaines chauves-souris, les ont lâchées et ont constaté qu’elles étaient beaucoup moins agiles pour se nourrir.
A partir de l’étude : configuration expérimentale. (a) Une fleur en verre contenant du nectar a été placée sur un trépied dans une chambre de vol extérieure. Deux caméras vidéo à haute vitesse ont été positionnées de manière à maximiser les différents angles par rapport à la fleur tout en maintenant un champ de vision chevauchant la zone concernée. (b) Glossophaga soricina avec des vibrisses intactes (contrôle). (c) Glossophaga soricina avec vibrisses ventrales et latérales coupées. (E.Amichai et col./ Proceedings of the Royal Society B Biological Sciences)
Toujours selon Amichai :
Le fait de couper les moustaches ne réduit pas la capacité des chauves-souris à se nourrir, elles le font simplement avec un peu moins de grâce. Si c’était de la gymnastique, elles obtiendraient un 8,5 au lieu d’un 9,8.
Une fois l’expérience terminée, les chercheurs ont gardé les chauves-souris suffisamment longtemps pour que leurs moustaches repoussent avant de les renvoyer dans la nature.
Après avoir conclu que les moustaches des Glossophages de Pallas étaient un élément clé de leur capacité à se nourrir efficacement, la plupart des prises de nourriture dans l’étude ont eu lieu en une seconde ou moins, les chercheurs affirment que cette découverte les a également aidés à comprendre comment les chauves-souris et les fleurs de la région ont évolué ensemble. Ils affirment que les moustaches plus longues, ainsi que la forme de la tête des chauves-souris et leurs langues puissantes, ont évolué afin de permettre aux animaux de se nourrir sur leurs fleurs préférées à longue gorge. De manière synergique, ces fleurs nécessitaient qu’une créature comme la chauve-souris puisse pénétrer suffisamment profondément dans la fleur pour y prélever du pollen et le distribuer ailleurs dans la forêt.
En révélant la fonction des moustaches exceptionnellement longues que possèdent les Glossophages de Pallas, Amichai affirme que nous avons acquis une information qui pourrait contribuer aux efforts de conservation, ainsi qu’une meilleure compréhension de la façon dont les créatures autres que les humains se déplacent dans leur environnement. La découverte des modes de locomotion des chauves-souris peut également inspirer le développement de nouvelles technologies, comme pour les drones à forme variable et l’avionique améliorée.
Pour Amichai :
Je trouve que le fait de penser en termes d’aller et venir entre des façons complètement différentes de percevoir le monde, et d’intégrer de façon transparente leurs données, est un concept époustouflant.
Nous sommes des animaux étranges : nous nous appuyons presque exclusivement sur la vision et, dans une moindre mesure, sur l’ouïe pour percevoir le monde. En conséquence, nous interprétons le comportement des autres animaux en termes similaires, ce qui nous conduit souvent à mal interpréter ce qu’ils font et pourquoi. Comprendre le monde sensoriel des autres animaux nous aide à « voir le monde à travers leurs yeux » et à mieux comprendre leur comportement, leurs besoins et leurs défis.
L’équipe va maintenant mener d’autres recherches pour voir comment les chauves-souris gèrent les fleurs mobiles, les prédateurs et d’autres situations.
Vous pouvez observer une chauve-souris Glossophages de Pallas se nourrir dans la vidéo ultra-lente ci-dessous, tirée de l’étude.
L’étude publiée dans les Proceedings of the Royal Society B Biological Sciences : By a whisker: the sensory role of vibrissae in hovering flight in nectarivorous bats et présentée par le Dartmouth College via EurekAlert : Whiskers help nectar-eating “acro bats” hover like hummingbirds.