Ningyo : sur la véritable identité de cette “sirène momifiée” japonaise
Une étude scientifique a enfin permis de découvrir l’origine d’une mystérieuse sirène momifiée logée dans une boîte en bois au temple Enju d’Asakuchi, au Japon.
Dans la mythologie japonaise, les ningyo sont des créatures aux traits humains et semblables à des poissons, décrites dans divers ouvrages de la littérature japonaise. Bien que souvent traduit par « sirène », le terme n’est techniquement pas spécifique au genre. Le ningyo est similaire aux contes occidentaux de sirènes, bien qu’il soit beaucoup moins séduisant que les sirènes traditionnelles.
Le singulier spécimen étudié par les scientifiques était conservé dans une boîte en bois de paulownia. Il fait l’objet d’une certaine curiosité depuis des décennies et, selon une note, ses origines remontent à 1740. La créature présumée ne fait pas plus de 30 centimètres de long, avec un corps principalement composé d’un torse de primate à fourrure qui semble se transformer en une queue de poisson écailleuse.
Représentation de ningyo par Mōri Baien dans Baien gyofu (1825). (Mōri Baien/ National Diet Library digital collection)
Ce ningyo particulier possède deux mains humaines et de petites dents pointues… une créature de rêve.
Depuis février 2022, des scientifiques de l’Université des sciences et des arts de Kurashiki (KUSA) travaillent avec le temple pour tenter de résoudre le mystère de cette créature énigmatique et de son origine. D’où vient-elle, est-elle réelle et quel est son âge ? Leur enquête a porté ses fruits un an plus tard puisqu’ils ont révélé que ce ningyo n’était pas un animal, mais une œuvre d’art humaine. Grâce à un examen non destructif, les scientifiques ont analysé la créature présumée à l’aide d’une évaluation visuelle, de rayons X, d’un scanner, de microscopes optiques et électroniques, d’une datation au radiocarbone et de tests ADN. En dehors de cette mâchoire, le ningyo s’est avéré dépourvu de squelette interne.
Scan du ningyo révélant l’absence de squelette à l’exception de la mâchoire. (KUSA)
Les chercheurs ont révélé que cet artefact particulier était un mélange de pièces. Celui qui l’a « créé » n’a pas utilisé de bois. A la place, il est principalement fait de tissu, de coton et de papier. La créature à l’aspect sinistre a été recouverte d’une substance obtenue en mélangeant de la poussière de charbon ou du sable avec une pâte. La tête est principalement composée de coton et est recouverte d’une substance ressemblant à du plâtre. En outre, les cheveux sur la tête de la prétendue sirène sont d’origine animale. Les écailles proviennent de deux types de poissons distincts.
Un scan tridimensionnel de la sirène. (KUSA)
La partie supérieure du corps est recouverte de la peau d’un poisson-globe. Les chercheurs ont révélé que la partie inférieure était composée de la peau écailleuse d’une espèce de crocodile. Les ongles des cinq doigts sont en kératine animale, probablement une sorte de corne. La mâchoire a été fabriquée à partir d’un poisson carnivore.
La datation au radiocarbone de certaines écailles dément la note écrite à la main sur la boîte de la sirène, suggérant que la créature a été fabriquée plus d’un siècle plus tard, très probablement à la fin des années 1850. Comme l’explique un communiqué de l’Université des sciences et des arts de Kurashiki, la façon dont la prétendue sirène est entrée en possession du temple Enju-in reste un mystère. Bien que la création de la sirène ait été démystifiée, elle reste un artefact important de son époque et sera renvoyée à son domicile, où elle restera sous la garde des prêtres.
Les conclusions présentées sur le site de l’Université des sciences et des arts de Kurashiki (en japonais) : Rapport final sur l’étude des « momies sirènes » de la collection Enju-in.