Les requins-marteaux "retiennent leur souffle" lorsqu’ils plongent en profondeur
En plongeant profondément, les requins-marteaux font la même chose que les êtres humains : ils retiennent leur respiration.
Les requins ne respirent pas d’air, bien sûr, mais ils peuvent fermer leur bouche et leurs fentes branchiales lors de leurs profondes plongées afin de maintenir leur température interne lorsque l’eau plus chaude près de la surface cède la place aux recoins plus froids de l’océan. De nouvelles recherches décrivant ce comportement ont été publiées cette semaine (lien plus bas).
Image d’entête : requin-marteau halicorne au large de la côte de Kona, sur l’île d’Hawaii. (Deron Verbeck/ Université d’Hawaï à Mānoa)
Selon Mark Royer, chercheur au sein du groupe de recherche sur les requins de l’Institut de biologie marine d’Hawaï et auteur principal de l’étude :
Bien qu’il soit évident que les mammifères marins respirant de l’air retiennent leur souffle en plongée, nous ne nous attendions pas à ce que les requins adoptent un comportement similaire.
Ce comportement inédit révèle que les requins-marteaux halicornes ont des stratégies alimentaires largement similaires à celles de certains mammifères marins, comme les globicéphales.
Le requin-marteau halicorne (Sphyrna lewini) est une espèce de grand requin en voie de disparition dont la répartition est mondiale. Il n’est pas menacé à Hawaï, mais l’est dans d’autres parties de son aire de répartition, principalement en raison de la perte d’habitat, de la surpêche et des prises accessoires. Les requins sont ectothermes, ce qui signifie que la température de leur corps est régulée par la température de l’eau environnante.
Bien que les requins-marteaux vivent dans des environnements côtiers peu profonds aux conditions tempérées ou tropicales, c’est-à-dire dans des eaux chaudes, ils sont connus pour plonger à des profondeurs de plus de 1000 m, où la température de l’eau peut avoisiner les 4 °C.
Requins-marteau halicorne au large de la côte de Kona, sur l’île d’Hawaii. (Deron Verbeck/ Université d’Hawaï à Mānoa)
Pour suivre ces animaux, l’équipe leur a implanté des dispositifs de surveillance à distance, des “biologgers”. Ces appareils permettent de suivre les mouvements, les activités, les températures, les profondeurs et la température de l’eau des animaux. L’utilisation de biologgers permet aux scientifiques de découvrir des phénomènes jamais observés jusque-là. Le mois dernier, une autre équipe de scientifiques a révélé que les éléphants de mer faisaient des siestes lors de leurs plongées en eaux profondes, afin de se reposer pendant leurs séjours de plusieurs jours en mer.
A partir de l’étude : comportement de nage du requin-marteau halicorne et température corporelle lors de plongées profondes. Phases distinctes d’une plongée profonde à l’aide d’une plongée représentative. La profondeur (en noir), la température intramusculaire (en rouge) et l’accélération du balancement de la queue (en vert) sont représentées. (Mark Royer et col./ Science)
Selon Mark Meekan et Adrian Gleiss, biologistes marins non affiliés à cette récente recherche, dans un article accompagnant l’étude :
La révolution technologique en cours dans le domaine du marquage, dont l’étude de Royer et col. fait partie, est susceptible de révéler d’autres aspects de la physiologie et de l’écologie des requins qui pourraient expliquer l’extraordinaire persistance de ces animaux à travers 400 millions d’années de changements d’environnements océaniques.
Les requins ont retenu leur souffle (pour ainsi dire) pendant 17 minutes en moyenne, ne passant qu’environ quatre minutes dans les parties les plus profondes de leurs plongées avant de retourner à des profondeurs plus chaudes et moins profondes.
(Deron Verbeck/ Université d’Hawaï à Mānoa)
M. Royer note que les capacités physiologiques des requins pourraient les protéger contre l’évolution des conditions océaniques, notamment le réchauffement des océans dû au changement climatique ainsi que l’exploitation minière et la pêche en eaux profondes pratiquées par l’humain.
Cela dit, les animaux ne peuvent retenir leur souffle qu’un temps limité. Jusqu’à présent, le requin-marteau halicorne est le premier poisson à faire cela, mais Simpfendorfer estime que d’autres requins et poissons pourraient avoir la même adaptation, précisant que :
Il est très avantageux de pouvoir chasser lorsqu’on a chaud et que tout le reste est froid.
L’étude publiée dans Science : “Breath holding” as a thermoregulation strategy in the deep-diving scalloped hammerhead shark et présentée sur le site de l’Université d’Hawaï à Mānoa : Hammerhead sharks hold their breath on deep water hunts to stay warm.