Les effets d’El Niño sur le PIB mondial peuvent être ressentis pendant des années après la fin du phénomène climatique
El Niño, une bande d’eau océanique chaude qui s’étend de l’Amérique du Sud à l’Asie et qui se produit en moyenne tous les 3 ans, provoque des changements météorologiques graves et généralisés, allant des inondations aux sécheresses. Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont constaté que le bilan financier d’El Niño pourrait durer beaucoup plus longtemps que prévu et coûter à l’économie mondiale des milliers de milliards d’euros.
Image d’entête : les ruines des maisons de la ville de Pacifica, en Californie, après les tempêtes incessantes d’El Niño de 1997-98. (AP Photo/ Adam Turner)
Cette étude est l’une des premières à examiner les coûts sur le long terme d’El Niño et elle estime que les pertes dépassent largement les estimations des précédentes études. Selon les auteurs, le coût moyen d’El Niño est d’environ 2,89 milliards EUR.
Celui de 1997-1998 a coûté 4,845 milliards d’euros en perte de croissance économique, soit 100 fois plus que les 38,25 milliards d’euros estimés par la Banque mondiale.
Selon Cristopher Callahan, auteur de l’étude au Dartmouth College, aux États-Unis :
Nous pouvons affirmer avec certitude que les sociétés et les économies ne se remettent pas d’un coup. Dans les tropiques et les régions qui subissent les effets d’El Niño, on observe une signature persistante pendant laquelle la croissance est retardée d’au moins 8 ans.
El Niño, qui devrait revenir cette année, est la phase chaude de l’oscillation australe El Niño, le cycle naturel des températures chaudes et froides dans l’océan Pacifique, qui comprend également La Niña, son pendant plus froid. El Niño modifie les conditions météorologiques et, aux États-Unis, se traduit par des hivers plus chauds sur la côte ouest et une saison des ouragans plus clémente dans l’Atlantique.
Pour leur étude, les chercheurs ont passé deux ans à examiner l’activité économique mondiale au cours des décennies qui ont suivi les épisodes El Niño de 1982-1983 et de 1997-1998. Ils ont constaté une « signature persistante » de ralentissement de la croissance économique plus de cinq ans plus tard. L’économie mondiale a perdu 3,485 milliards d’euros en seulement cinq ans après la fin du phénomène météorologique et 4,845 milliards d’euros lors du deuxième El Niño, plus récent.
Les chercheurs estiment que les pertes économiques mondiales pour le XXIe siècle atteindront 84 000 milliards de dollars soit 71 400 milliards d’euros environ, car le changement climatique pourrait amplifier la fréquence et la force d’El Niño, même si les émissions de gaz à effet de serre sont réduites. Le phénomène El Niño prévu pour cette année pourrait entraîner des pertes économiques mondiales de l’ordre de 3 000 milliards de dollars (2 550 milliards d’euros) d’ici à 2029.
L’échelle des couleurs indique le changement apparent du PIB à la suite du phénomène El Niño de 1997-98, du gain le plus élevé (bleu) à la perte la plus importante (rouge). (Chris Callahan/ Dartmouth College)
Ces résultats mettent en évidence un facteur très important et peu étudié qui détermine le bilan économique du réchauffement climatique : les variations annuelles des conditions climatiques. Bien que celles-ci soient largement indépendantes du réchauffement climatique, les gaz à effet de serre peuvent amplifier ces événements. El Niño est la plus grande source de variation annuelle du climat, modifiant les conditions météorologiques dans le monde entier.
Selon Justing Mankin, auteur de l’étude :
Notre bien-être est affecté par notre économie mondiale, et notre économie mondiale est liée au climat. Lorsque l’on s’interroge sur le coût du changement climatique, on peut commencer par s’interroger sur le coût des variations climatiques. Nous montrons ici qu’une telle variation, incarnée par El Niño, est incroyablement coûteuse et qu’elle fait stagner la croissance pendant des années.
Le dernier grand phénomène El Niño s’est produit en 2016 et a fait de cette année la plus chaude enregistrée. Le réchauffement climatique s’est intensifié dans les années qui ont suivi. Le monde sort actuellement d’une longue période La Niña, qui a provoqué une grave sécheresse en Amérique du Sud. La NOAA, l’agence américaine responsable de l’étude de l’océan et de l’atmosphère, estime que les chances qu’El Niño se produise d’ici la fin de l’été sont de 80 %.
L’étude publiée dans Science : Persistent effect of El Niño on global economic growth et présentée sur le site du Dartmouth College : In Years After El Niño, Global Economy Loses Trillions.