Des scientifiques déterminent comment les premières plantes à fleurs ont été pollinisées il y a 140 millions d’années
Si les biologistes évolutionnistes sont les détectives des mystères passés du monde naturel, l’arbre phylogénique est leur version d’un panneau de suspects de scène de crime reliés entre eux par de la ficelle rouge et des punaises.
Image d’entête : modèle hypothétique de la première fleur. (Catherine Wardrop/ Sauquet et col.)
Les dernières révélations de cette forme de travail d’investigation biologique indiquent que c’est un insecte, mais pas une abeille, qui a transporté le tout premier paquet de pollen vers une autre plante il y a quelque 140 millions d’années, donnant ainsi le coup d’envoi à la propagation de la flore qui a donné naissance à quelque 400 000 espèces occupant aujourd’hui près de 90 % des terres (et un peu d’eau) de la planète.
En combinant des données moléculaires pour créer un arbre phylogénique de pointe et en observant des fossiles d’insectes et de plantes, des scientifiques des jardins botaniques de Sydney, de l’université Macquarie, du Hawkesbury Institute of the Environment et de l’UNSW Sydney, tous situés en Australie, ont illustré l’histoire de la pollinisation des plantes et sont convaincus que le premier organisme à être entré en scène n’était pas une abeille.
Pourquoi ? La plupart des indices suggèrent qu’il est antérieur à l’existence des abeilles, et l’insecte aurait été de petite taille, puisque cette première fleur n’aurait rien eu à voir avec les motifs élaborés qui attirent les animaux que nous connaissons aujourd’hui.
Selon les chercheurs, le suspect le plus probable est une petite mouche, un coléoptère, peut-être un moucheron ou même un insecte disparu depuis longtemps.
Pour éclaircir cette énigme, les chercheurs ont reconstitué un arbre complexe de toutes les familles de plantes à fleurs, comprenant 1 160 espèces dont la lignée remonte à quelque 145 millions d’années. Ils ont ainsi retrouvé les pollinisateurs de ces plantes, observé leur évolution au fil du temps et noté les principales transitions évolutives.
Un arbre phylogénique complexe retrace la base ancestrale de la pollinisation, montrant la prédominance des insectes. (Ruby E Stephens/ Université de Nouvelle-Galles du Sud)
En cartographiant les insectes, les vertébrés (dont les colibris et les chauves-souris), le vent et l’eau, l’équipe a constaté que les insectes ont été responsables d’environ 86 % de la pollinisation des plantes tout au long de l’histoire et qu’ils restent la force dominante à ce jour.
Selon l’auteur principal, Ruby E. Stephens, étudiante en doctorat à l’université Macquarie :
L’arbre évolutif nous montre quelles familles de plantes ont évolué à quel moment. En exécutant différents modèles, nous pouvons remonter à partir de ce qui pollinise une plante aujourd’hui, jusqu’à ce qui aurait pu polliniser l’ancêtre de cette plante dans le passé.
Si les chercheurs ont observé que la pollinisation par le vent avait évolué 42 fois au cours de l’histoire, ils n’ont trouvé que peu d’éléments indiquant que le processus s’était inversé pour laisser place à un animal. Les scientifiques sont donc convaincus que le pollinisateur d’origine était en fait un insecte.
Les plantes et les insectes ont existé sur Terre pendant des millions d’années avant l’apparition de la flore à fleurs (angiospermes). Aujourd’hui, environ 90 % des plantes sont à fleurs et dépendent de la pollinisation. Ces plantes sont bien sûr essentielles pour l’alimentation, l’industrie, les habitats et la biodiversité, ainsi que pour la vie sur Terre en général.
Les plantes ont également développé d’astucieuses stratégies pour maximiser leurs chances de rester dans les parages, notamment en développant des couleurs et des formes complexes, des odeurs séduisantes et même un mimétisme sexuel afin d’attirer les animaux. Nombre d’entre elles offrent ensuite des cadeaux tels que de la nourriture, de l’eau et du nectar afin de s’assurer que cette relation mutuellement bénéfique se poursuive.
Les fleurs ont évolué vers toutes sortes de formes et de couleurs pour se faire polliniser. (Ruby E Stephens/ Université de Nouvelle-Galles du Sud)
Bien que les scientifiques ne puissent pas affirmer avec certitude quel animal fut le premier passeur de vie des plantes à fleurs, l’étude souligne le rôle incroyablement important que jouent les insectes dans le maintien de la vie sur Terre.
Stephens ajoute :
Il s’agit d’une découverte importante, qui révèle un aspect essentiel de l’origine de la quasi-totalité des plantes présentes sur Terre aujourd’hui. Les plantes sont l’élément vital de notre planète, et notre étude met en évidence l’importance des insectes pour la reproduction des plantes tout au long de l’histoire de la Terre.
L’étude publiée dans New Phytology : Insect pollination for most of angiosperm evolutionary history et présentée sur le site de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud : The world’s first flowers were pollinated by insects.