Cette étrange “crevette” du Cambrien était rapide, mais pas assez forte pour briser la coquille des trilobites
Une nouvelle analyse biomécanique des appendices du premier prédateur apex (au sommet de la chaine alimentaire) montre qu’il était probablement plus apte à se régaler de proies à corps mou qu’à poursuivre des créatures à carapace dure.
L’Anomalocaris canadensis était un arthropode (groupe d’animaux comprenant les insectes, les araignées, les crabes et les scorpions) de 60 centimètres de long, ce qui en fait l’un des plus grands animaux ayant vécu pendant la période cambrienne, qui a duré de 541 millions à environ 484 millions d’années.
Image d’entête : représentation de l’Anomalocaris. (Katrina Kenny/ American Museum of Natural History)
Le Cambrien fut le témoin d’une « explosion » de la vie qui a conduit à la formation de toutes les principales structures corporelles des animaux que nous voyons aujourd’hui : les premiers yeux et les premiers animaux à squelette dorsal sont apparus au cours de cette période, comme l’Anomalocaris, découvert dans les schistes de Burgess, au Canada, dans les années 1800.
Le nom scientifique de cette créature signifie « étrange crevette du Canada ». Les paléontologues supposent que les étranges « pattes » antérieures de cet animal bizarre, semblables à celles d’un arachnide, auraient servi à capturer des proies et à les diriger vers sa bouche en forme d’anneau.
Bien que probablement rapide et agile, une nouvelle analyse biométrique de l’Anomalocaris publiée cette semaine (lien plus bas) suggère qu’il était plus faible qu’on ne le pensait.
De précédentes découvertes de fossiles d’exosquelettes de trilobites écrasés ont été associées à l’alimentation de l’Anomalocaris.
Pour Russell Bicknell, premier auteur de l’étude et chercheur au Musée américain d’histoire naturelle, qui a mené l’étude alors qu’il était à l’université de Nouvelle-Angleterre, en Australie :
Cela ne m’a pas semblé correct. Les trilobites ont un exosquelette très solide, qu’ils fabriquent essentiellement à partir de roches, alors que cet animal aurait été essentiellement mou et spongieux.
Des recherches récentes ont remis en question le fait que l’animal avait des pièces buccales “blindées” pour traiter les aliments durs. La nouvelle étude visait à déterminer si les appendices antérieurs, longs et épineux, pouvaient remplir cette fonction.
A partir de l’étude : gros plan sur la tête d’un spécimen complet d’Anomalocaris canadensis provenant des schistes de Burgess du Cambrien au Canada, montrant la flexion maximale de l’appendice frontal. (Alison Daley/ R. Bicknell et col./ Proceedings of the Royal Society B)
L’équipe de recherche internationale a réalisé une reconstruction tridimensionnelle de l’Anomalocaris. En utilisant des scorpions et des araignées amblypyges modernes comme analogues biomécaniques, l’équipe a constaté que les appendices segmentés auraient été efficaces pour s’étirer, se fléchir et saisir les proies. Mais la modélisation a montré que le stress et la tension exercés sur les appendices auraient entraîné des dommages lors de la manipulation de proies dures comme les trilobites.
L’étude suggère que l’Anomalocaris était peut-être un prédateur nageant rapidement et se précipitant sur des proies molles à l’aide d’appendices avant tendus.
Selon Bicknell :
Les représentations antérieures voulaient que ces animaux aient considéré la faune des schistes de Burgess comme un smorgasbord, s’attaquant à tout ce qu’ils voulaient, mais nous découvrons que la dynamique des réseaux alimentaires du Cambrien était probablement beaucoup plus complexe qu’on ne le pensait.
L’étude publiée dans The Proceedings of the Royal Society B : Raptorial appendages of the Cambrian apex predator Anomalocaris canadensis are built for soft prey and speed et présentée sur le site de l’American Museum of Natural History : Apex Predator of the Cambrian Likely Had a Soft Diet.