Des cellules artificielles contenant le minimum vital surpassent par leur évolution les cellules naturelles
Les formes de vie unicellulaires n’ont besoin que de la plus simple des bases évolutives pour s’imposer dans leur environnement. Selon des chercheurs, même une cellule extrêmement réduite, ne contenant que 493 gènes, peut muter et s’adapter pour améliorer sa condition physique, une étape essentielle dans la persistance et la stabilité de la vie qui vient d’être démontrée en laboratoire.
Cette découverte est le fruit d’une nouvelle étude menée par une équipe de chercheurs américains et brésiliens, qui a dépouillé une cellule de tous ses gènes, à l’exception des gènes essentiels, pour voir si elle pouvait encore évoluer.
Image d’entête : micrographie électronique d’un groupe de cellules de Mycoplasma mycoides synthétisées, agrandies 15 000 fois. (Tom Deerinck, Mark Ellisman/ Centre national d’imagerie et de recherche en microscopie de l’université de Californie à San Diego)
La cellule est une version artificiellement simplifiée de Mycoplasma mycoides, une bactérie parasite que l’on trouve dans les intestins des chèvres et d’autres ruminants. Au fil du temps, ce parasite est devenu dépendant de son hôte pour sa survie et a perdu un grand nombre de ses gènes d’origine. Aujourd’hui, il ne lui reste que 901 gènes dans son génome, ce qui est infime comparé aux milliers de gènes qui codent pour les protéines de nombreuses autres espèces bactériennes, ou même aux dizaines de milliers de gènes que l’on trouve chez les plantes et les animaux.
Au microscope électronique, les cellules simplifiées/ réduites. (Tom Deerinck et Mark Ellisman)
Lorsque les scientifiques ont éliminé synthétiquement 41 % des gènes de M. mycoides, en ne conservant que les séquences les plus essentielles, ils ont créé une cellule autonome dont le génome est le plus petit de tous les organismes cultivés en milieu fermé. Selon le biologiste Jay Lennon de l’université de l’Indiana, la bactérie modifiée, nommée M. mycoides JCVI-syn3B, représente l’essentiel de ce qui est nécessaire à la survie d’une cellule, il ajoute :
On pourrait supposer qu’il n’y a pas de marge de manœuvre pour les mutations, ce qui pourrait limiter son potentiel d’évolution. Nous pouvons simplifier la cellule jusqu’au strict nécessaire, mais cela n’empêche pas l’évolution de se mettre en marche.
Lorsque Lennon et ses collègues ont laissé la M. mycoides JCVI-syn3B se développer en laboratoire pendant 300 jours (soit l’équivalent de 2 000 générations bactériennes), ils ont constaté un taux de mutation exceptionnellement élevé pour une cellule aussi simple. Par rapport à la souche originale de M. mycoides, cette nouvelle souche a évolué 39 % plus rapidement, retrouvant toute l’aptitude qu’elle avait perdue lorsque les chercheurs avaient artificiellement supprimé un grand nombre de ses gènes.
Placées dans le même tube à essai que d’autres cellules minimales qui n’avaient pas évolué pendant 300 jours, les cellules évoluées ont surpassé les autres, prenant le dessus et devenant la souche dominante. Elle était manifestement mieux adaptée à son environnement.
Pour Lennon et ses collègues :
Nos résultats démontrent que la sélection naturelle peut rapidement augmenter la condition physique de l’un des organismes les plus simples à croissance autonome.
En théorie, plus une cellule est grande, plus elle peut être complexe. Étonnamment, la taille physique des cellules évoluées n’a pas augmenté. Les chercheurs pensent que cela est dû au fait que la moitié des protéines membranaires ont été retirées, ce qui signifie que la cellule n’avait pas les ressources nécessaires pour augmenter son volume.
Bien qu’il reste encore de nombreuses nuances à étudier, notamment en ce qui concerne les gènes qui ont évolué et les raisons de cette évolution, les résultats suggèrent que la sélection naturelle est suffisamment puissante pour optimiser même les plus simples des organismes unicellulaires.
L’étude publiée dans Nature : Evolution of a minimal cell et présentée sur le site de l’Université de l’Indiana : Artificial cells demonstrate that “life finds a way”.