Des macaques peuvent vivre jusqu’à deux ans avec des reins de porc génétiquement modifiés
Selon des chercheurs, un macaque ayant reçu un rein de porc génétiquement modifié a survécu pendant plus de 2 ans, ce qui constitue une étape clé dans l’utilisation d’organes d’animaux transplantés chez les humains.
Image d’entête : une équipe du Centre médical de l’Université du Maryland a transplanté pour la première fois un cœur de porc dans une personne vivante en janvier 2022. (Université du Maryland School Of Medicine/ ZUMA)
Comme l’indique une étude publiée la semaine dernière (lien plus bas), les chercheurs ont eu recours à l’édition génétique sur des porcs miniatures pour s’assurer que leurs organes, une fois prélevés, n’hébergeraient pas de virus dormants ou ne seraient pas attaqués par les primates receveurs après la transplantation.
Selon le coauteur de l’étude, Wenning Qin, biologiste moléculaire à la société américaine de biotechnologie eGenesis :
Ces travaux constituent une preuve de principe chez les primates non humains pour affirmer que notre organe est sûr et qu’il permet la vie.
Les scientifiques espèrent que la xénotransplantation, qui consiste à transplanter un organe entre différentes espèces, pourra un jour pallier la pénurie d’organes de donneurs. En France, entre 23 et 25 000 personnes sont inscrites sur la liste d’attente d’organes et aux États-Unis, c’est plus de 100 000 , et quelque 17 personnes meurent chaque jour dans l’attente d’une transplantation.
Heureusement, la science se rapproche. L’année dernière, des médecins ont transplanté un cœur de porc génétiquement modifié dans un être humain vivant, mais le receveur, un homme de 57 ans, est décédé deux mois plus tard. Le mois dernier, un autre homme d’âge moyen a également reçu un cœur de porc. Des résultats similaires ont été obtenus avec des xénotransplantations sur des receveurs humains considérés comme étant en état de mort cérébrale.
Bien que cette dernière recherche soit limitée aux non-humains, la durée de vie post-opératoire des singes est particulièrement prometteuse. Au total, 69 gènes ont été ciblés par les chercheurs, la plupart d’entre eux ayant été modifiés pour s’assurer que le système immunitaire du receveur n’attaquerait pas et ne rejetterait pas l’organe et pour neutraliser les virus dormants enfouis dans le génome du porc. Un traitement médicamenteux a également été administré aux singes afin de “supprimer” leur système immunitaire. L’une des principales innovations de cette étude est l’introduction de gènes humains dans les organes porcins modifiés.
Dans les expériences des chercheurs, les 21 singes transplantés avec des reins qui n’avaient pas été modifiés pour contenir des gènes humains n’ont survécu en moyenne que 24 jours, et pas plus de 50. En revanche, avec les reins contenant des gènes humains, les singes ont survécu en moyenne 176 jours. Cinq de ces 15 singes ont vécu plus d’un an, et l’un d’entre eux deux ans.
Alors que d’autres expériences de xénotransplantation ont utilisé des porcs ordinaires pour produire des organes, les chercheurs ont eu recours à des porcs miniatures dans le cadre de cet essai.
Muhammad Mohiuddin, chirurgien spécialiste de la xénotransplantation à la faculté de médecine de l’université du Maryland (Etats-Unis), a expliqué qu’il s’agissait d’un changement notable par rapport à la pratique courante, qui permet d’éviter la nécessité de modifier génétiquement des organes de porcs de taille normale pour les empêcher de croître trop rapidement dans l’organisme du receveur.
Les spécialistes demandent de la patience et certains non inclus dans cette recherche précisent que la durée de survie du singe n’était pas « étonnamment meilleure que ce qui avait été observé auparavant avec beaucoup moins de modifications génétiques ».
L’étude publiée dans Nature : Design and testing of a humanized porcine donor for xenotransplantation et présentée dans cette même revue : Monkey survives for two years after gene-edited pig-kidney transplant et sur le site de la société eGenesis : eGenesis Announces Publication in Nature of Landmark Preclinical Data Demonstrating Long-Term Survival with Genetically Engineered Porcine Kidneys.