La plus grande simulation jamais réalisée par superordinateur pour étudier l’évolution de l’univers
Nous voyons aujourd’hui d’innombrables étoiles et galaxies scintiller dans l’univers, mais quelle quantité de matière y trouve-t-on réellement ? La question est assez simple, mais sa réponse s’avère assez déconcertante.
Ce dilemme s’explique en grande partie par le fait que les observations cosmologiques actuelles ne sont tout simplement pas d’accord sur la manière dont la matière est répartie dans l’univers actuel.
Dans le cadre du plus grand projet de ce type à ce jour, des astronomes tentent de trouver des réponses en réalisant des simulations informatiques de l’ensemble de l’Univers. Il s’agit des simulations FLAMINGO (Full-hydro Large-scale structure simulations with All-sky Mapping for the Interpretation of Next Generation Observations soit “Simulations de structures à grande échelle avec cartographie de l’ensemble du ciel pour l’interprétation des observations de la prochaine génération”), exécutées sur un superordinateur du centre DiRAC au Royaume-Uni.
Image d’entête : une projection à travers une tranche de 130 millions d’années-lumière d’épaisseur dans une simulation d’un volume cubique de 9 132 millions d’années-lumière de côté. Le réseau cosmique de filaments de la structure à grande échelle est clairement visible. (Josh Borrow/ FLAMINGO team/ Virgo Consortium)
Ces simulations sont très poussées. Elles sont conçues pour calculer l’évolution de toutes les composantes connues de l’Univers. Cela signifie la matière normale : les étoiles, les galaxies, toutes les choses que nous pourrions toucher (cela pourrait nous tuer, mais nous le pourrions), la matière noire, la masse mystérieuse qui crée une étrange gravité supplémentaire et l’énergie noire, la mystérieuse puissance qui accélère l’expansion de l’Univers.
La plus grande de ces simulations compte 300 milliards de particules ayant la masse d’une petite galaxie, dans un volume cubique d’espace dont les bords s’étendent sur 10 milliards d’années-lumière.
L’image de fond montre la distribution actuelle de la matière dans une tranche de la plus grande simulation FLAMINGO, qui représente un volume cubique de 2,8 Gpc (9,1 milliards d’années-lumière) de côté. La luminosité de l’image de fond indique la distribution actuelle de la matière noire, tandis que la couleur indique la distribution des neutrinos. Les encarts montrent trois zooms consécutifs centrés sur l’amas de galaxies le plus massif ; dans l’ordre, ils montrent la température du gaz, la densité de la matière noire et une observation virtuelle en rayons X. (Josh Borrow/ FLAMINGO team/ Virgo Consortium)
Selon l’astronome Matthieu Schaller de l’université de Leyde (Pays-Bas) :
Pour rendre cette simulation possible, nous avons développé un nouveau code, SWIFT, qui répartit efficacement le travail de calcul sur 30 000 unités centrales.
Les premiers résultats ont été publiés dans trois études (liens plus bas) : la première décrivant les méthodes, la deuxième présentant les simulations et la troisième présentant les résultats décrivant la structure à grande échelle de l’Univers dans la matière noire froide.
En particulier, la troisième publication s’est intéressée à ce que l’on appelle la tension sigma 8, ou S8. Cette tension est basée sur une mesure de l’Univers appelée « fond diffus cosmologique » (image ci-dessous), c’est-à-dire le faible rayonnement micro-onde qui remplit l’Univers depuis l’époque qui a suivi le Big Bang. L’analyse de ce rayonnement suggère que l’Univers devrait maintenant s’être regroupé davantage qu’il ne l’a fait.
La carte ci-dessous présente la plus ancienne lumière dans notre univers, comme elle a été détectée avec la plus grande précision par la mission Planck. La lumière antique, appelée le fond diffus cosmologique, a été imprimée sur le ciel quand l’univers avait 370 000 ans. Elle montre les minuscules fluctuations de température qui correspondent aux régions aux densités légèrement différentes, représentant les graines de toute la future structure : les étoiles et les galaxies d’aujourd’hui. (ESA/ Planck.)
Étant donné que cette tension représente un défi majeur pour le modèle de matière noire froide de l’Univers selon lequel l’agrégation devrait se produire, les chercheurs espèrent que FLAMINGO pourra apporter des réponses. Jusqu’à présent, ils n’ont pas réussi à résoudre la tension, ce qui serait une grande nouvelle pour la cosmologie, mais ils savent comment réaliser des simulations : la matière normale et les neutrinos sont tous deux nécessaires pour obtenir des prédictions exactes.
Selon l’astronome Joop Schaye également de l’université de Leyde et responsable de la recherche :
Bien que la matière noire domine la gravité, la contribution de la matière ordinaire ne peut plus être négligée, car cette contribution pourrait être à l’origine des écarts entre les modèles et les observations.
Une simulation incluant la matière normale est plus difficile à réaliser. La matière noire n’interagit avec l’Univers que par la gravitation, la matière normale interagit également avec la pression, telle que la pression de rayonnement, et les vents galactiques, qui sont imprévisibles et difficiles à modéliser. Il faut beaucoup plus de puissance de calcul pour que cela fonctionne, et nous devrons donc attendre un peu plus longtemps pour obtenir des réponses sur la tension du S8 de FLAMINGO. Cependant, les chercheurs ont effectué une série de simulations qui suivent la formation de la structure de l’Univers à travers la matière noire, la matière normale et les neutrinos, en faisant varier leurs paramètres pour voir comment cela affectait le résultat final.
Selon l’astronome Roi Kugel de l’université de Leyde :
L’effet des vents galactiques a été calibré à l’aide de l’apprentissage automatique, en comparant les prédictions de nombreuses simulations différentes de volumes relativement faibles avec les masses observées des galaxies et la distribution du gaz dans les amas de galaxies.
L’équipe n’a pas encore mis ses données FLAMINGO à la disposition du public, car elles représentent plusieurs pétaoctets. Toute personne intéressée est invitée à adresser une demande à l’auteur correspondant.
Les trois études publiées dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society :
… et présentées sur le site de la Royal Astronomical Society : Astronomers carry out largest ever cosmological computer simulation et de l’Université de Durham : Biggest ever supercomputer simulation to investigate the Universe.