Découverte d’une mystérieuse galaxie ressemblant étrangement à la Voie lactée
Loin, très loin, à l’époque où l’Univers avait à peine quelques milliards d’années, flotte une galaxie étrangement semblable à la nôtre. Et les astronomes ne savent pas trop quoi en penser.
Cette lointaine formation, connue sous le nom de ceers-2112, a été récemment identifiée par une équipe internationale de chercheurs grâce à l’analyse d’images prises par la caméra dans le proche infrarouge du télescope spatial James Webb (JWST).
Image d’entête : représentation artistique de la galaxie spirale barrée ceers-2112, observée dans l’univers primitif. La Terre se reflète dans une bulle illusoire entourant la galaxie, rappelant le lien entre la Voie lactée et ceers-2112. (Luca Costantin/ CAB/ CSIC-INTA)
Alors qu’une première analyse des images n’avait pas révélé grand-chose de plus qu’une tache floue, un examen plus approfondi utilisant une gamme de longueurs d’onde ajoutées par Hubble a montré l’ancien système pour ce qu’il était : une structure en spirale complexe et barrée, tout comme la Voie lactée, mais un peu plus petite.
Les galaxies ont toutes sortes de formes, de tailles et de luminosités qui trahissent leur histoire évolutive. Certaines sont grandes et bouffies, d’autres petites et irrégulières, d’autres encore gigantesques et étirées. Et puis il y a celles qui, comme la nôtre, tourbillonnent, avec des étoiles et du gaz concentrés dans des lignes rayonnantes qui se courbent comme des rubans cosmiques s’échappant d’une gymnaste en rotation.
Bien que de nombreux facteurs influencent la forme d’une galaxie, depuis les collisions jusqu’à la concentration des galaxies voisines, on considère depuis longtemps que les formes complexes prennent du temps. En règle générale, on pense que les galaxies spirales barrées comme la Voie lactée n’existent pas avant environ 8 milliards d’années. Pourtant, une mesure de l’étirement de la lumière de ceers-2112 suggère qu’elle avait déjà un aspect plutôt sophistiqué 2 milliards d’années seulement après le Big Bang.
Dans notre univers actuel, environ deux tiers de toutes les galaxies spirales sont ”barrées« , ce qui signifie qu’elles possèdent une énorme structure ressemblant à une barre qui traverse leur centre. Cette structure est constituée de gaz et de poussière qui sont acheminés des extrémités de la galaxie vers son cœur, alimentant la formation d’étoiles et la croissance de trous noirs supermassifs.
Représentation de notre galaxie spirale barrée, la Voie lactée. (NASA/ JPL)
Bien que la galaxie ceers-2112 soit encore trop peu lumineuse pour que l’on puisse voir les détails de ses bras spiraux, la détection d’une barre épaissie en son centre suffit à convaincre les astronomes que ceers-2112 est remarquablement bien développée pour son âge.
Selon Alexander de la Vega, astronome à l’Université de Californie à Riverside (Etats-Unis) :
Presque toutes les barres se trouvent dans les galaxies spirales. La barre de ceers-2112 suggère que les galaxies ont mûri et se sont ordonnées beaucoup plus rapidement que nous ne le pensions, ce qui signifie que certains aspects de nos théories sur la formation et l’évolution des galaxies doivent être révisés.
Les galaxies sont plus ou moins de vastes concentrations de poussière et de gaz qui s’assemblent sous l’effet de la gravité. Une partie de cette gravité est fournie par les débris eux-mêmes, mais une proportion importante serait le résultat de la matière noire. Lorsque suffisamment de matière est rassemblée en un point donné, la fusion nucléaire peut se déclencher, donnant naissance aux étoiles et à leur progéniture moins étincelante, les planètes. Parallèlement, la somme des inerties contenues dans les poussières tourbillonnantes et les soleils en mouvement peut faire tourner la galaxie naissante.
Le mélange des forces, sous la forme du moment angulaire, de l’attraction gravitationnelle et de l’inertie des masses en chute libre, peut finir par aplatir la masse galactique en forme de disque. Certaines étoiles étant entraînées dans des trajectoires moins circulaires que d’autres, les aberrations des orbites peuvent lentement s’amplifier, affectant d’autres trajectoires stellaires pour former des structures distinctes que nous voyons sous forme de barres.
Un autre exemple de galaxie spirale barrée, NGC 1073, qui ressemble beaucoup à la Voie lactée et photographiée ici par le télescope spatial Hubble. (NASA & ESA)
À leur tour, les structures telles que les barres ou les galaxies voisines peuvent exercer leur influence sur la propagation des objets dans une galaxie, produisant de vastes ondulations qui apparaissent comme des spirales lorsque la galaxie tourne.
Comme on peut l’imaginer, la formation d’une galaxie devrait nécessiter des forces soutenues agissant sur de longues périodes. Pourtant, la découverte de ceers-2112 pourrait nous amener à reconsidérer ce qui est nécessaire pour transformer une tache nébuleuse en un majestueux tourbillon.
Toujours selon de la Vega :
Autrefois, lorsque l’Univers était très jeune, les galaxies étaient instables et chaotiques. On pensait que les barres ne pouvaient pas se former ou durer longtemps dans les galaxies de l’Univers primitif.
Cette découverte s’ajoute à toute une série de découvertes récentes et inattendues concernant les conditions de l’Univers primitif, des galaxies trop brillantes ou des trous noirs précoces qui se développent trop rapidement. Au fur et à mesure que le JWST continue à fournir des images stupéfiantes du cosmos à ses débuts, nous apprendrons sans doute non seulement comment des galaxies comme ceers-2112 ont vu le jour, mais aussi comment notre propre galaxie est devenue aussi étonnante qu’elle l’est aujourd’hui.
En janvier de cette année (2023), le JWST repérait déjà, à 11 milliards d’années-lumière, des galaxies spirales barrées trop avancées dans leur évolution.
L’étude publiée dans Nature : A Milky Way-like barred spiral galaxy at a redshift of 3 et annoncée sur le site de l’Université de Californie à Riverside : Milky Way-like galaxy found in the early universe.