Ces manchots survivent grâce à des micro-siestes de 4 secondes, des milliers de fois par jour
Les manchots à jugulaire (Pygoscelis antarcticus) font apparemment des milliers de siestes par jour pour se reposer tout en restant attentifs aux menaces.
Image d’entête : les manchots à jugulaire (Pygoscelis antarcticus), qui doivent leur nom à la fine bande noire de leur plumage qui s’étend d’une oreille à l’autre, sont peut-être l’espèce de manchots la plus abondante. (Paul-Antoine Libourel/ AP)
La surveillance d’un nid est une tâche ardue pour un manchot, les prédateurs tels que le Labbe antarctique, qui se nourrit de poussins et d’œufs de manchots, sont à craindre, tout comme les autres manchots, qui peuvent perturber les nids des uns et des autres et même en voler les matériaux. Une étude publiée cette semaine (lien plus bas) décrit les étranges habitudes pour la micro-sieste des manchots à jugulaire, originaires de l’Antarctique, qui leur permettent de rester vigilants presque 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
La plupart des mammifères présentent un sommeil paradoxal, il s’agit du stade du sommeil associé au rêve et à la consolidation de la mémoire.
Les manchots étudiés font des siestes extrêmement courtes. Ces périodes de repos, ou « microsleeps » (micro-siestes), comme les appelle l’équipe de recherche, durent environ 4 secondes en moyenne, et les manchots à jugulaire pouvaient faire plus de 10 000 de ces siestes par jour. Au total, les animaux dormaient environ 11 heures par jour.
Un manchot à jugulaire somnolant. (Paul-Antoine Libourel)
Afin d’étudier le sommeil des manchots, l’équipe, dirigée par Paul-Antoine Libourel du Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CRNL/ France), a placé des électrodes dans le cerveau et les muscles du cou de manchots à jugulaire nichant à l’état sauvage sur l’île du Roi-George, en Antarctique. Ils ont recueilli des données sur l’activité électrique du cerveau des animaux, dans ce que l’on appelle un électroencéphalogramme (EEG).
Les EEG sont d’excellents outils pour étudier le sommeil chez les animaux sauvages. Plus tôt cette année, une autre équipe a découvert que les éléphants de mer se reposent en plongeant profondément, lors de leurs journées de nage en eau libre.
Bien que les colonies de manchots à jugulaire soient évidemment plus accessibles que les phoques se trouvant à des milliers de mètres sous la surface de l’océan, les données EEG ont permis à l’équipe de savoir avec certitude que les manchots dormaient.
Pour Christian Harding, physiologiste du sommeil à l’Université de Californie – San Diego, et Vladyslav Vyazovskiy, physiologiste du sommeil à l’Université d’Oxford, dans une discussion concernant l’étude :
Cette recherche remet en question non seulement la compréhension actuelle de la façon dont la structure du sommeil est régulée, mais aussi la mesure dans laquelle elle peut être modifiée avant que les avantages du sommeil ne soient perdus.
Avec l’avènement de techniques modernes qui dissèquent la contribution de circuits cérébraux spécifiques aux fluctuations du sommeil et à son contrôle local et global, élucider le substrat neurophysiologique du sommeil est devenu un point central de la recherche sur le sommeil. Cependant, la plupart des progrès réalisés dans ce domaine proviennent des mammifères, et la connaissance des circuits de contrôle du sommeil et de l’éveil chez les oiseaux n’en est qu’à ses balbutiements.
Les chercheurs ont noté que les canards colverts dorment avec les deux yeux fermés lorsqu’ils sont entourés de congénères. En revanche, ils dorment avec un œil ouvert (et dans un seul hémisphère cérébral) lorsqu’ils se trouvent à la périphérie d’un groupe, où ils seraient plus vulnérables aux menaces. Selon les données de l’équipe, les manchots à jugulaire qui dormaient près du centre de la colonie présentaient un sommeil encore plus perturbé que ceux qui se trouvaient à la périphérie, en raison des interactions au sein de la colonie elle-même et du bruit rauque de cette dernière.
L’étude publiée dans Science : Nesting chinstrap penguins accrue large quantities of sleep through seconds-long microsleeps et présentée dans Nature : This penguin survives on 4-second microsleeps — thousands of times a day.