Gravastar : une alternative théorique aux trous noirs
Autrefois monstres hypothétiques nés dans un nid d’embrouilles de la théorie de la relativité générale d’Einstein, les trous noirs sont aujourd’hui reconnus comme de véritables objets célestes, aussi réels que les étoiles, les lunes et les galaxies.
Image d’entête : représentation d’un gravastar qui pourrait se présenter telle des poupées russes (matriochkas). (Daniel Jampolski et Luciano Rezzolla/ Université de Francfort)
Mais ne vous y trompez pas. Leurs mécanismes sont toujours aussi mystérieux qu’ils l’étaient lorsque le physicien théoricien allemand Karl Schwarzschild a joué pour la première fois avec les équations de champ d’Einstein pour arriver à la conclusion que l’espace et le temps pouvaient se transformer en fosses de non-retour. Les physiciens Daniel Jampolski et Luciano Rezzolla de l’université Goethe de Francfort sont revenus à la première étape pour tenter de mieux comprendre les équations qui décrivent les trous noirs et sont parvenus à une solution plus facile à imaginer, mais non moins étrange.
Alors que les représentations traditionnelles des trous noirs contiennent un fatras de physique contradictoire, Jampolski et Rezzolla ont imaginé une « bulle » de matière gravitationnellement confinée, qui pourrait contenir toute une série de bulles imbriquées les unes dans les autres.
Selon Rezzolla
C’est formidable que 100 ans après que Schwarzschild a présenté sa première solution aux équations de champ d’Einstein issues de la théorie de la relativité générale, il soit encore possible de trouver de nouvelles solutions. C’est un peu comme trouver une pièce d’or sur un chemin qui a déjà été exploré par beaucoup d’autres personnes.
Les trous noirs cachent un vilain secret de la physique. Si l’on place suffisamment de matière dans un espace décrit par ce que l’on appelle le rayon de Schwarzschild, la gravité l’emportera sur toutes les autres forces et attirera cette masse dans un espace beaucoup, beaucoup plus petit. C’est ce que disent les équations de champ de la relativité générale.
Pourtant, ces équations ne peuvent pas vraiment expliquer ce qui se passe à l’autre bout de ce grand resserrement. À mesure que nous nous rapprochons de distances de plus en plus petites, la physique quantique devient de plus en plus importante. Et comme il n’existe pas de moyen simple de faire le lien entre les deux grandes théories de (presque) tout, nous nous retrouvons avec un grand point d’interrogation sur ce qu’il advient de la matière lorsque la gravité l’écrase au-delà d’un certain point.
Comme si cela ne suffisait pas, l’existence même d’objets capables à la fois d’envoyer des informations en aller simple dans la prison cosmique et de s’évaporer dans une lueur de chaleur constante connue sous le nom de rayonnement de Hawking présente un paradoxe qui brise la physique et qui repose sur une règle selon laquelle l’information ne peut tout simplement pas s’évanouir (paradoxe de l’information).
En 2001, le physicien quantique américain Pawel Mazur et l’astrophysicien Emil Mottola ont collaboré pour donner un sens aux équations et voir s’ils pouvaient éviter ces impasses. Ce qu’ils ont trouvé, c’est une étoile à condensat gravitationnel. Appelée aussi « gravastar« , cette construction hypothétique décrit une pellicule de matière comprimée jusqu’à une finesse quasi impossible, gonflée de l’intérieur par une généreuse dose d’énergie noire. Aussi étranges que puissent paraître ces ballons de fête stellaires, ils ressembleraient toujours à des trous noirs vus de l’extérieur, tout en éliminant commodément le paradoxe de l’information et en évitant la nécessité d’une pointe d’absurdité quantique infiniment dense en leur cœur.
Jampolski et Rezzolla ont constaté qu’il était possible pour un gravastar doté d’une membrane légèrement plus épaisse d’équilibrer un second gravastar à l’intérieur. De même, ce second gravastar imbriqué pourrait être porteur de sa propre coquille exotique de matière hautement comprimée, formant ce qu’ils appellent un nestar.
Selon Jampolski, qui a imaginé cette solution sous la supervision de Rezzolla :
Le nestar est comme une poupée matriochkas.
Inventer des créatures cosmiques à partir des ombres projetées par la théorie pure peut sembler fantaisiste, mais c’est ainsi que les trous noirs ont été identifiés. Il est important de noter que la découverte des limites de ce qu’une théorie peut suggérer pourrait conduire à des observations qui résoudraient les plus complexes interrogations sur les trous noirs.
Selon Rezzolla :
Malheureusement, nous n’avons toujours aucune idée de la manière dont un tel gravastar pourrait être créé. Mais même si les nestars n’existent pas, l’exploration des propriétés mathématiques de ces solutions nous aide en fin de compte à mieux comprendre les trous noirs.
L’étude publiée dans la revue Classical and Quantum Gravity : Nested solutions of gravitational condensate stars et présentée sur le site de l’Université de Francfort : A star like a Matryoshka doll: New theory for gravastars.