Découverte d’un immense volcan bouclier sur Mars
La planète rouge continue de surprendre. De nouvelles recherches ont révélé l’existence d’un volcan géant et d’une possible couche de glace de glacier enfouie.
Image d’entête : le volcan géant récemment découvert sur Mars est situé juste au sud de l’équateur de la planète, à l’est de Noctis Labyrinthus, à l’ouest de Valles Marineris, le vaste système de canyons de la planète. (NASA/ USGS/ Pascal Lee et Sourabh Shubham)
Le site qui a fait l’objet de cette découverte inédite se trouve dans la partie orientale de la province volcanique de Tharsis sur Mars, près de l’équateur de la planète. En raison de sa nature érodée et difficile à repérer, cette caractéristique n’a pas été détectée depuis que la sonde Mariner 9 a pris des images du site en 1971.
L’étude a été réalisée à partir de données provenant des missions Mariner 9, Viking Orbiter 1 et 2, Mars Global Surveyor, Mars Odyssey et Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA, ainsi que de la mission Mars Express de l’Agence spatiale européenne.
Le volcan géant se cachait depuis des décennies dans l’une des régions les plus emblématiques de Mars, à la limite entre le labyrinthe très fracturé de Noctis Labyrinthus (Labyrinthe de la nuit) et le vaste système de canyons de Valles Marineris (les Vallées de Mariner). La région dans laquelle se trouve le volcan récemment documenté abrite trois autres volcans géants bien connus : Ascraeus Mons, Pavonis Mons et Arsia Mons. Bien que plus érodé et moins élevé que ces autres volcans, celui découvert récemment rivalise avec les autres en termes de diamètre : environ 450 kilomètres et une altitude d’environ 9 022 mètres.
Carte topographique montrant l’emplacement du volcan Noctis entre les plus grandes provinces volcaniques et canyons de Mars. (Image de fond : Modèle numérique d’élévation du Mars Orbiter Laser Altimeter (MOLA) du Mars Global Surveyor (MGS) de la NASA. Interprétation géologique et annotations par Pascal Lee et Sourabh Shubham 2024)
Selon l’Institut SETI :
Sa découverte indique un nouvel endroit passionnant pour la recherche de la vie et une destination potentielle pour de futures explorations robotiques et humaines.
L’auteur principal de l’étude est Pascal Lee, scientifique spécialiste des planètes à l’Institut SETI et au Mars Institute, basé au centre de recherche Ames de la NASA.
Selon Pascal Lee :
Nous examinions la géologie d’une zone où nous avions trouvé les restes d’un glacier l’année dernière lorsque nous avons réalisé que nous nous trouvions à l’intérieur d’un énorme volcan profondément érodé.
La taille gigantesque du volcan et l’histoire complexe de ses transformations indiquent qu’il a été actif pendant très longtemps. En outre, dans sa partie sud-est se trouve un mince dépôt volcanique récent sous lequel de la glace de glacier est probablement encore présente.
Selon Sourabh Shubham, étudiant diplômé du département de géologie de l’université du Maryland et coauteur de l’étude (États-Unis) :
Cette région de Mars est connue pour sa grande variété de minéraux hydratés couvrant une longue période de l’histoire martienne. On soupçonne depuis longtemps que ces minéraux se trouvent dans un environnement volcanique. Il n’est donc pas très surprenant de trouver un volcan ici. D’une certaine manière, ce grand volcan est une « arme à feu » recherchée depuis longtemps.
Le volcan Noctis ne présente pas la forme conique conventionnelle d’un volcan typique, car une longue histoire de fractures profondes et d’érosion l’a modifié. Cependant, en l’examinant de près, on peut reconnaître les principales caractéristiques d’un volcan. Dans la « zone intérieure » délimitant les vestiges les plus élevés du volcan, un arc de hautes mesas marque la zone centrale du sommet, culminant à +9022 m. Des portions préservées des flancs du volcan descendent dans différentes directions jusqu’à la limite extérieure de la « zone extérieure », à 225 km de la zone du sommet. Un vestige de caldeira – les restes d’un cratère volcanique effondré qui abritait autrefois un lac de lave – est visible près du centre de la structure. Des coulées de lave, des dépôts pyroclastiques (composés de particules volcaniques telles que cendres, scories, ponces et téphras) et des dépôts minéraux hydrothermaux sont présents dans plusieurs zones du périmètre de la structure volcanique. La carte montre également le champ de cônes sans racines et l’étendue possible de la glace de glacier enfouie à faible profondeur signalée dans cette étude, en relation avec le « glacier relique » découvert en 2023. Noctis Landing, un site d’atterrissage candidat pour de futures explorations robotiques et humaines, est également représenté. (images de fond : Mosaïque de la caméra contextuelle (CTX) de la NASA Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) et modèle numérique d’élévation de Mars Global Surveyor (MGS) Mars Orbiter Laser Altimeter (MOLA). Interprétation géologique et annotations par Pascal Lee & Sourabh Shubham 2024)
Cette nouvelle découverte met toutefois en lumière plusieurs mystères. Tout d’abord, s’il est clair qu’il est actif depuis longtemps et qu’il a commencé à s’accumuler très tôt dans l’histoire de Mars, on ne sait pas exactement à quelle époque. De même, bien qu’il ait connu des éruptions même à l’époque géologiquement parlant « moderne », on ne sait pas s’il est toujours actif sur le plan volcanique et s’il pourrait entrer à nouveau en éruption. À cela s’ajoute une autre inconnue. S’il a été actif pendant longtemps, la combinaison d’une chaleur soutenue et de l’eau provenant de la glace a-t-elle pu permettre au site d’abriter la vie ?
Pour Lee :
C’est vraiment une combinaison d’éléments qui rend le site du volcan Noctis exceptionnellement intéressant. Il s’agit d’un ancien volcan à longue durée de vie, si profondément érodé qu’il est possible de le traverser à pied, en voiture ou en avion pour examiner, échantillonner et dater différentes parties de son intérieur afin d’étudier l’évolution de Mars au fil du temps.
Lee conclut que sa longue histoire de chaleur interagissant avec l’eau et la glace « en fait un endroit de choix pour l’astrobiologie et notre recherche de signes de vie ». Enfin, la glace de glacier étant probablement encore préservée près de la surface dans une région équatoriale relativement chaude de Mars, « l’endroit semble très attrayant pour l’exploration robotique et humaine ».
La présence possible de glace de glacier à faible profondeur près de l’équateur signifie que les humains pourraient potentiellement explorer une partie moins froide de la planète tout en étant en mesure d’extraire de l’eau pour boire et la fabrication de carburant pour fusées. Ce propergol fabriqué sur Mars est réalisable en décomposant l’eau en hydrogène et en oxygène.
Cette découverte a été annoncée lors de la 55e Lunar and Planetary Science Conference qui se tient actuellement, au Texas et le document de recherche publié sur le site de l’Universities Space Research Association : large eroded volcano complex and buried glacier ice in eastern noctis laby-rinthus: evidence for recent volcanism and glaciation near mars’ equator et présentée sur le site de l’institut SETI : Giant Volcano Discovered on Mars.