Des scientifiques collent des matériaux sans utiliser d’adhésifs, juste de l’électricité
Imaginez qu’un implant en métal dur puisse être fixé à un tissu biologique mou sans utiliser d’adhésif, puis retiré facilement lorsqu’il n’est plus nécessaire. Cela pourrait bientôt être possible, grâce à une meilleure connaissance de “l’électroradhésion”.
Image d’entête, à partir de l’étude : diverses démonstrations de l’électroadhésion. (W. Xu et col./ ACS Central Science)
Pour simplifier, l’électroadhésion est un phénomène par lequel deux objets deviennent “électrostatiquement” ou chimiquement liés l’un à l’autre après avoir été traversés par un courant électrique. Ils restent liés même après la disparition du courant, mais se séparent proprement lorsqu’ils sont soumis à un courant de polarité opposée.
Ces dernières années, l’électroadhésion a été utilisée dans toutes sortes d’applications, des robots grimpeurs, aux pinces robotiques souples. Et si certaines de ces applications ont consisté à coller des matériaux durs à des matériaux souples, peu d’entre elles, voire aucune, ont consisté à coller des matériaux durs non altérés à des matériaux véritablement « souples et mous ». En fait, l’électroadhésion a le plus souvent été utilisée pour coller des matériaux souples à des matériaux souples et des matériaux durs à des matériaux durs. C’est là qu’intervient la nouvelle étude.
Sous la direction du professeur Srinivasa Raghavan, une équipe de l’université du Maryland (Etats-Unis) a réussi à lier par “électroadhésivité” (électrostatique) des matériaux durs tels que l’étain, le plomb et le graphite à des matériaux très mous tels que des morceaux de fruits, de légumes et de viande de poulet crue. Par exemple, après avoir appliqué un courant de 5 volts à un cylindre de gel d’acrylamide et à une plaque de graphite pendant environ 3 minutes, les deux matériaux sont devenus si fortement liés que le gel s’est déchiré au lieu de se séparer lorsque quelqu’un a essayé de les écarter. En revanche, lorsque la polarité du courant est inversée, les deux matériaux se séparent facilement et sans destruction.
Image tirée de l’étude. (W. Xu et col./ ACS Central Science)
Ce procédé peut même être utilisé pour relier et libérer des objets sous-marins. Cela dit, toutes les combinaisons de substances ne fonctionnent pas. Il a été constaté que le matériau dur doit être capable de conduire les ions et que le matériau mou doit contenir des ions de sel. Les scientifiques pensent qu’une liaison chimique se forme lorsque les deux matériaux échangent des ions. Cette hypothèse est étayée par le fait que les métaux à faible conductivité électrique (tels que le titane) ne fonctionnent pas, pas plus que les matériaux mous à faible teneur en sel, tels que le raisin.
A partir de l’étude : résultats de l’adhésion du graphite à divers tissus végétaux et animaux. Des bandes de graphite sont placées à chaque extrémité d’un matériau mou donné, et une tension de 5 V CC est appliquée pendant 15 minutes. (A) Tissus qui adhèrent uniquement à l’anode (+) ; (B) tissus qui adhèrent uniquement à la cathode (-) ; (C) tissus qui adhèrent aux deux électrodes. (W. Xu et col./ ACS Central Science)
Une fois le processus mieux compris et développé, on espère qu’il pourra être utilisé non seulement dans les implants, mais aussi dans des applications telles que les robots biohybrides et des batteries plus performantes.
L’étude publiée dans ACS Central Science : Reversibly Sticking Metals and Graphite to Hydrogels and Tissues et présentée sur le site de l’American Chemical Society : You don’t need glue to hold these materials together — just electricity.